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Tunis et Alger, la lune de miel

par Moncef Wafi

Ce n'est pas par hasard que la première visite officielle du tout nouveau Premier ministre tunisien, Mehdi Jomaâ, soit à l'Algérie tant les liens entre les deux pays ont été de tout temps frappés du sceau de l'excellence. Tunis, plus qu'Alger, n'ignore pas que son sort est scellé à celui de son puissant voisin et que la pérennité de toute action repose sur l'adoubement, même tacite, de l'Algérie. L'un des premiers challenges de Mehdi Jomaâ, hormis l'aspect économique, est de rétablir la sécurité interne du pays et de sécuriser les frontières communes entre les deux pays, du côté tunisien.

Ainsi, et au-delà des formules protocolaires, l'un des points forts de ces relations bilatérales reste le volet sécuritaire, de l'aveu même de l'homme fort du gouvernement tunisien qui déclare sentencieusement que «la sécurité de l'Algérie est celle de la Tunisie, et vice-versa». Le message a le mérite d'être clair et surtout d'actualité quand on connaît l'importance qu'accorde l'Algérie au danger terroriste venant de ses frontières Est. Alger n'a d'ailleurs pas attendu l'élection d'un nouveau gouvernement tunisien pour sécuriser sa bande frontalière, en mobilisant d'importantes forces de sécurité et en offrant, au départ, sa coopération à Tunis. Il serait naïf de croire que l'instabilité sécuritaire qui a affecté la Tunisie ces derniers mois n'affecte en rien l'Algérie puisque la réalité implacable du terrain suggère toute autre analyse.

Alger a tout à gagner de pays frontaliers à même d'assurer la sécurité de leur territoire et les exemples de voisins incapables de faire face à «leurs» groupes djihadistes et de circonscrire la violence terroriste a failli la déstabiliser. L'instabilité politique qui a caractérisé, ces dernières années, des Etats comme le Mali, le Niger et surtout la Libye s'est répandue jusque sur le territoire algérien, devenant des bases arrière à des groupes qui ont décidé de s'attaquer à des cibles algériennes. De là à dire que la sécurité de l'un ne va pas sans l'autre serait une lapalissade d'autant qu'Alger a grandement besoin de sécuriser ses frontières avec la Tunisie pour faire face au danger qui vient de la Libye. La stabilité de la Tunisie ne passe pas seulement par le sécuritaire mais également par une relance économique forte et cet aspect, Alger l'a bien saisi en décidant d'activer l'accord commercial préférentiel entre les deux pays, négocié depuis 2006 et signé en 2008, et qui devra entrer en vigueur durant les prochaines semaines.

Un pragmatisme qui est et sera certainement la marque de fabrique du gouvernement de M.Jomaâ, loin des annonces «théâtrales» de Moncef Marzouki qui avait décidé unilatéralement de permettre aux Algériens de se rendre en Tunisie sans passeport. En vertu de cet accord, il sera procédé à la définition de listes de produits des deux pays qui seront exonérés des taxes douanières et d'une liste comprenant des produits industrialisés algériens exonérés de taxes douanières à hauteur de 40% à leur entrée en Tunisie, outre des exonérations des taxes douanières totales pour une liste de 10 à 15 produits agricoles et agro-alimentaires.