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Egypte : la place Tahrir revit la Révolution

par Kharroubi Habib

Le verdict dans le procès de Moubarak, de ses deux fils, de son ancien ministre de l'Intérieur et des six ex-hauts responsables des services de sécurité a eu pour effet de ranimer l'esprit de révolte en Egypte. L'énorme indignation suscitée dans la population par sa clémence qui est apparue dictée aux magistrats, s'est traduite en manifestations d'hostilité à l'égard du pouvoir militaire, soupçonné d'avoir inspiré ses sentences au tribunal. Ce qui a probablement été le cas et va se révéler comme ayant été une lourde faute politique aux conséquences imprévisibles.

Les militaires au pouvoir en Egypte donnent l'impression d'avoir sciemment voulu donner un « coup de pouce » au candidat islamiste en course dans l'élection présidentielle contre son rival, qui est pourtant issu de leurs rangs et est un homme du sérail du régime déchu dont ils veulent préserver l'essentiel. Comment en effet celui-ci va arriver à rallier à lui les électeurs que le verdict du tribunal révolte et pour qui il est le candidat des généraux qui ont dicté le verdict ? Le candidat des Frères musulmans, Mohamed Morsi, joue sur du velours suite à ce verdict. Il se pose en « candidat de la Révolution » que l'armée cherche à enterrer et a donné rendez-vous place Tahrir mercredi à tous les défenseurs de la Révolution.

Sauf que les révolutionnaires, à nouveau dans la rue, sont cette fois déterminés à ne pas se faire encore flouer, comme ils l'ont été par les militaires après le 25 janvier 2011. Et cette fois par les Frères musulmans. Pour s'en prémunir, ils doivent en finir avec la naïveté angélique consistant à compter sur d'autres qu'eux-mêmes pour faire aboutir les revendications et objectifs de la Révolution du 25 janvier 2011. D'abord en dotant leur mouvement d'instances dirigeants seules à même de parler en leur nom, de faire ensuite durer ce mouvement jusqu'à contraindre le pouvoir, mais les Frères musulmans aussi, à composer avec eux.

Il s'agit d'imposer le fait que la Révolution n'est pas terminée en Egypte, que la chute de Moubarak n'a pas été une fin en soi pour la Révolution. Tous les évènements qui se sont déroulés en Egypte depuis le départ du pouvoir de l'ancien Raïs n'ont été qu'une lente et insidieuse suite d'opérations et de manœuvres destinées à mettre hors course les véritables acteurs de cette Révolution. Pour cette œuvre, les militaires et les Frères musulmans sont sur la même longueur d'onde, même si, en apparence, ils semblent s'affronter pour le contrôle du pouvoir. Dans la réalité, les militaires n'appréhendent pas l'instauration d'un pouvoir civil aux mains des Frères musulmans. De leur point de vue, il est préférable à celui que réclament les manifestants de la place Tahrir.

Il faut donc à ceux qui ont décidé de renouer avec la révolte empêcher que les militaires et les Frères musulmans réalisent le deal qu'ils ont conclu sur le dos de la Révolution du 25 janvier 2011.

En tout cas, l'Egypte est loin d'en avoir fini avec les remous avec lesquels d'aucuns ont pensé qu'elle allait en terminer avec l'élection présidentielle. Pour les manifestants revenus à la charge, celle-ci n'est plus d'actualité car elle leur apparaît manifestement avoir été organisée dans des conditions destinées à enterrer la dynamique révolutionnaire déclenchée place Tahrir le 25 janvier 2011.