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L'ultime joker électoral de Sarkozy

par Kharroubi Habib

Nicolas Sarkozy s'adressant gravement à la Nation française à partir de l'Elysée entre les deux tours de l'élection présidentielle pour l'informer que l'armée du pays participe à l'intervention militaire en Syrie, entre-temps ayant eu le feu vert de la « communauté internationale ». C'est là un scénario dont rêvent le président-candidat et son proche entourage. Ils n'en rêvent pas seulement car la diplomatie française et son chef Alain Juppé se démènent à l'ONU et partout où la crise syrienne se débat pour rendre ce scénario possible.

Leur calcul est que l'annonce de l'engagement de la France dans une intervention étrangère en cours aurait pour effet de rassembler le pays autour du président en exercice tenant le gouvernail de l'Etat français en ce moment délicat. Avec bien entendu l'espoir que ce rassemblement de la Nation s'exprime dans les urnes au second tour de l'élection présidentielle en faveur du candidat Sarkozy qui sans cela est donné archi-battu par tous les sondages face au concurrent socialiste François Hollande. Mais Alain Juppé a beau s'agiter et manœuvrer, aidé en cela par les Saoudiens et les Qataris, son activisme diplomatique n'aboutit pas à créer le consensus international sur une intervention militaire étrangère en Syrie. Pire encore, pour son dessein inavoué, l'insistance par trop cynique d'Alain Juppé à vouloir forcer la main à la communauté internationale et à lui arracher son aval à cette intervention, a singulièrement éclairci les rangs des Etats qui ont, à un moment, suivi la France dans son positionnement sur la crise syrienne. Ce qu'a prouvé la conférence des « amis de la Syrie » convoquée par ses soins qui s'est réunie jeudi sous sa présidence à Paris. Ce club qui s'était tenu en Tunisie avait alors enregistré la participation de cinquante Etats. A Paris ils n'étaient que quinze, occidentaux pour la presque totalité.

Cela n'a pas pour autant refroidi le zèle interventionniste du chef de la diplomatie française. Lequel persiste à faire le forcing pour tenter de former une coalition étrangère déterminée à assumer l'intervention militaire dont il rêve la survenance au plus court. Que pour ce faire l'opération n'obtienne pas l'aval du Conseil de sécurité de l'ONU, lui importe peu pourvu que le président-candidat pour lequel il roule en ait le dividende électoral immédiat escompté. Il l'affiche en revendiquant pour l'OTAN à laquelle fait partie la France le droit de mener cette intervention sans résolution l'autorisant de la part du Conseil de sécurité. Juppé pour qui la « communauté internationale » se résume aux Etats peu nombreux favorables à la solution militaire pour la crise syrienne pousse à l'aventure avec l'option qu'il défend. Même ces Etats rechignent néanmoins dans leur majorité à le suivre sur cette voie qui contrevient à la légalité et aux droits internationaux, notamment les Etats-Unis pour qui l'intervention étrangère en Syrie risque d'avoir des conséquences négatives pour leur président Barack Obama, lui aussi en campagne pour sa réélection.

La France en cette affaire n'a d'alliés inconditionnels que l'Arabie Saoudite et le Qatar et, aussi étrange que cela paraisse, la Turquie qui a fait savoir qu'elle pourrait demander à l'OTAN dont elle est membre de s'engager à ses côtés ainsi que le stipule son traité au cas où sa frontière avec la Syrie serait le théâtre d'opérations militaires à risque pour sa sécurité nationale. Une situation que la France et ses alliés inconditionnels travaillent à rendre inéluctable. Pour autant, le pari de Sarkozy et de Juppé de renverser en leur faveur les résultats du scrutin du 06 mai par l'intrusion calculée d'un conflit international avant sa tenue a peu de chance d'être gagné par eux malgré l'activisme fébrile que Juppé déploie pour tenter de le réussir.