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Adieu Si Ahmed

par Kharroubi Habib

Tous ceux qui ont aimé, respecté Ben Bella et ne lui ont pas tourné le dos quand le sort lui a été contraire ne peuvent qu'approuver qu'il lui a été organisé des funérailles nationales. Parce qu'ils sont les premiers convaincus que l'homme appartient à l'histoire de l'Algérie à laquelle il a rendu d'éminents services en tant que militant, qu'homme d'Etat ou politique. Nombreux pourtant s'en sont tenus à l'écart manifestant leur affliction dans le recueillement intime. Parce que eux savent que la disparition de Si Ahmed et le semblant d'unanimisme dans l'encensement de sa mémoire qui a prévalu au cours de ces funérailles nationales ne vont pas éteindre les controverses sur le parcours historique de l'homme et ce qu'il a donné à l'Algérie. Ils savent que beaucoup d'entre ceux qui se sont bousculés au premier rang de ces cérémonies de funérailles oublieront très vite les «fleurs» qu'ils lui ont tressées pour la circonstance.

S'il y a eu grande dignité dans ce moment de deuil qu'est la disparition de Ben Bella pour sa famille et ceux qui lui ont été fidèles, elle est le fait de ses adversaires et ennemis qui sans renier leur jugement sur lui ont respecté ce deuil en se taisant.

Ben Bella nous a quittés, ce n'est pas pour autant que ce qu'il a été, qu'il a représenté pour l'Algérie cesseront d'être sujets à polémique. Il en a eu la prescience quand il disait «pourquoi parler du passé, un passé douloureux, c'est vrai, mais c'est du passé. Regardons vers l'avenir, c'est plus utile». Pour avoir eu l'insigne honneur de l'avoir approché et modestement tenté de l'accompagner dans la démarche qui a été la sienne après sa libération, nous pouvons affirmer que c'est cet avenir, celui de l'Algérie, mais aussi celui du monde en général qui lui importait et auquel il réfléchissait et agissait.

La triste ironie du sort a été que Ben Bella disparaisse à quelques semaines du cinquantième anniversaire de l'indépendance de l'Algérie dont il a été l'un des principaux architectes et le premier président de l'Etat qui en a émané, mais aussi à un moment où le monde est en proie à des changements et à des convulsions pleins d'incertitudes pour les peuples. Nous avons l'intime conviction que jusqu'à son dernier souffle, il a pensé au peuple algérien et entretenu l'espoir que celui-ci affronte les défis du nouveau contexte mondial uni et solidaire. A tous ceux qui ont partagé ses convictions, été ses partisans le message qu'il laisse est limpide: rassembler tous ceux pour qui «l'Algérie est au-dessus de tout», militer pour l'instauration d'un Etat jouissant de la confiance des citoyens.

Il pleuvait sur Alger au moment où Ben Bella était conduit à sa dernière demeure, il pleurait aussi dans les cœurs de tous ces Algériens à qui l'on a voulu faire oublier ce qu'il a représenté pour l'Algérie ou à qui on fait croire qu'il est responsable de ce que cinquante années d'indépendance ne leur ont pas apporté. Un grand homme survit à toutes les mesquineries dont les auteurs chercheront à entacher sa mémoire. Ben Bella est rentré vivant au panthéon de l'histoire et pas que celle de son pays l'Algérie. Il y restera «ad eternum».