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Un scrutin qui balisera la route à la présidentielle

par Kharroubi Habib

Les islamistes ont été les principaux bénéficiaires des élections, pour la première fois libres et transparentes, en Tunisie, au Maroc et en Egypte. Une tendance qui, évidemment, a ravi leurs homologues algériens et leur fait entrevoir la possibilité de rééditer chez eux une performance à l'identique, tant redoutée par le camp laïco-démocrate qui multiplie les mises en garde sur sa probable survenance.

La percée des islamistes aux prochaines élections législatives n'est pas exclue, comme l'affirment ceux qui prétendent qu'il y aurait une «exceptionnalité» algérienne l'empêchant de se réaliser. Sauf qu'elle ne prendra pas les dimensions d'un tsunami électoral. Le courant islamiste en Algérie est certes en théorie majoritaire dans la société, mais son vivier électoral, tout comme celui des laïco-démocrates, se disperse entre la kyrielle de partis qui s'en revendiquent et puisent leurs voix en son sein. Pris globalement, les partis islamistes en course pour les élections législatives feront peut-être un score qui se traduira par une représentation islamiste dans la nouvelle Assemblée nationale qui sera plus large qu'elle ne l'a été dans celle qui termine sa mandature. Aucun n'est toutefois en situation de réaliser à lui seul un score équivalent à celui obtenu par Ennahda en Tunisie et le PJD au Maroc. Le pouvoir a pris des dispositions pour qu'il en soit ainsi, notamment celle qui a consisté à accorder sans compter l'agrément à de nouvelles formations se revendiquant islamistes. Avec l'arrière-pensée que cette pléthore de partis islamistes légaux suscitera au sein de leur courant des impossibilités à leur entente aussi irréductibles que celles qui empêchent les formations du camp laïco-démocrate à faire front commun.

S'il y a percée islamiste en Algérie au mois de mai prochain, elle n'entraînera pas, comme le prétendent ceux qui s'en alarment, un basculement irrémédiable de l'Algérie. Au pire, cela donnera lieu à une situation à la marocaine. C'est-à-dire une coloration islamiste du pouvoir encore plus marquée, mais où la réalité de ce dernier restera toujours entre les mains de «décideurs» déterminés à le garder à l'abri de ce basculement.

Les élections législatives en Algérie vont être certes un moment crucial, car leurs résultats seront révélateurs de la véritable topographie politique nationale. Mais elles ne provoqueront pas sur le court terme de bouleversement irrémédiable et moins encore l'instauration d'une «dawla islamique» que ses adeptes promettent et que ceux qu'elle révulse agitent comme épouvantail.

Le grand rendez-vous électoral qui influera irrévocablement sur l'avenir de l'Algérie sera celui de l'élection présidentielle. C'est à cette échéance que la percée islamiste sera à redouter pour tous les républicains et démocrates de la nation. Mais il ne leur suffit pas de faire les «Cassandre» et de mettre en garde sur les périls de cette perspective. Il leur faut convaincre la société algérienne qu'elle n'est pas inéluctable et qu'ils représentent l'alternative à une telle perspective. Ce qui est loin d'être démontré par eux sur le terrain.

A peine agréés, des partis islamistes multiplient les appels à l'unité de leur courant politique et affichent une détermination incisive à se donner de la visibilité auprès de l'opinion publique. Dans l'autre camp, c'est toujours le repli sur soi et la pratique salonarde de l'exercice politique. Pas de quoi motiver les citoyens à peser sur les enjeux qui se profilent dans les élections législatives annoncées et seront au cœur de la prochaine élection présidentielle.