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Quand la pratique dément l'intention déclarée

par Kharroubi Habib

Le Président de la République aurait pu susciter de la con-fiance tant dans l'opinion publique qu'au sein de segments de l'opposition politique, sur le contenu des réformes annoncées par lui, si, avant son discours à la nation, il avait fait des gestes significatifs établissant une volonté honnête du régime de s'ouvrir à la démocratie et au respect du droit de l'expression pluraliste et des libertés citoyennes. Les médias publics sous contrôle ont présenté la mesure de levée de l'état d'urgence et l'annulation de l'oukase fermant leur accès à l'opposition comme procédant et témoignage de cette volonté.

Dans la réalité, la levée de l'état d'urgence a été une décision toute formelle, n'ayant nullement entraîné la fin des limitations administratives imposées à l'exercice de la pratique politique, tout comme la prétendue ouverture des médias publics à l'opposition a montré ses limites.

En fait, le pouvoir reste tout autant inflexible dans son refus d'une vie politique sans les restrictions qu'il lui a mises avec l'état d'urgence et la fermeture des médias lourds.

Sa gestion autoritaire de l'activité politique dans le pays se poursuit avec autant d'arbitraire qu'avant la levée de l'état d'urgence. Bouteflika a bien promis qu'en dehors de la capitale, les marches et autres manifestations à caractère politique sont désormais libres. Dans la réalité, il en va tout autrement, comme l'attestent les obstacles et les dérobades officielles auxquels sont confronté les partis ou associations qui formulent des demandes d'autorisation pour organiser ce genre d'actions politiques.

Pour aussi contraignante que soit la loi actuelle sur les partis, son application dans le respect strict de ses dispositions n'aurait pas confronté ces partis et associations aux interdits dont leurs initiatives font sournoisement l'objet.

Comment, dans ces conditions, attendre d'eux qu'ils manifestent de la confiance aux réformes dont le pouvoir prétend qu'elles vont constituer une avancée pour la démocratie, l'instauration de l'Etat de droit et le respect des libertés collectives et individuelles ? Dans les comportements des autorités, même après la levée de l'état d'urgence, il y a pour ces milieux et l'opinion publique matière à méfiance quant au contenu des réformes annoncées.

Ce n'est pas sans raison qu'il est craint que ces réformes ne soient que des effets d'annonce de la part de Bouteflika et du pouvoir destinés à faire baisser la pression qu'il subit, tant du fait de la montée en puissance de la contestation populaire, que des appels insistants que lui lancent les principaux partenaires étrangers de l'Algérie à donner suite aux revendications de changement et de démocratisation qui s'expriment dans la société algérienne. La crainte n'est pas sans fondement, du moment que Bouteflika s'est gardé d'éventer le contenu de ces réformes dans son discours à la nation et de leur fixer un échéancier de réalisation. De là à faire peser le soupçon que le pouvoir ne chercherait en fait qu'à gagner du temps, il n'y a qu'un pas que des acteurs politiques ont fait, non sans arguments qui tiennent la route. Notamment celui que le pouvoir algérien a parié sur un reflux de l'ébullition populaire et révolutionnaire qui a cours dans le monde arabe.

Situation qui lui permettrait alors de procéder à des réformes auxquelles il aura toute latitude de fixer des limites et d'accompagner de garde-fous à sa convenance.