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LE LAIT, LA POMME DE TERRE, LES SALAIRES ET LES MINISTRES

par Abdou BENABBOU

Avec une ironique maladresse, un député s'en est pris au ministre du Commerce au cours du dernier débat parlementaire sur la loi de finances, lui reprochant de mettre le feu là où il pose la main. Les propos manquaient d'élégance bien que l'exacerbation manifeste de l'élu ait pu se justifier à propos d'un problème qui a fait le tour du pays. Avec force et détail, le député a soulevé la sempiternelle question du sachet de lait pour ensuite s'étaler sur l'enfer des prix de produits de consommation courante dont on ne cesse de parler, allant jusqu'à prédire qu'au train avec lequel évolue la férocité des marchés, les Algériens seront astreints à se nourrir de cailloux et de terre.

L'envolée verbale et le comportement de l'élu n'était pas d'évidence au niveau qui sied à la stature de l'institution parlementaire et bien qu'il ait soulevé un problème très important qui désole outre mesure la population, elle ne fait que remuer le couteau d'une plaie dont tout le monde a conscience. En la circonstance, l'infortuné ministre du Commerce n'y est, à tout égard, pour rien. Les mécanismes marchands, l'écoulement des produits de consommation, leurs prix répondent à une politique économique globale régie par une multitude de paramètres toujours politiques. Un ministre ne les maîtrise pas tous et son pouvoir d'influence et de décision se limiterait à veiller au respect de la loi. Celui du Commerce est au même niveau que les ministres de l'Education ou de la Santé quand ils doivent faire face aux doléances brûlantes de l'ensemble du personnel de leur secteur respectif quand la question des salaires est abordée.

Le premier responsable du Commerce est renvoyé à la méandre non maîtrisée que provoque le soutien des prix davantage compliquée par les nouveaux tours de vis donnés à l'importation, les autres ne peuvent qu'assumer le difficile rôle de transmetteurs de réclamations, étant entendu qu'en matière de revalorisation salariale, ils sont soumis à un domaine global qui relève de la politique générale de l'Etat. Tous sont les maillons d'une chaîne réceptacle de problèmes et de difficultés transmissibles qui témoignent du fardeau actuel porté par l'Etat. Dans une telle situation, n'engage à l'issue que seul le sacrifice. La question inévitable maintenant est celle de savoir si la population est disposée pour cet engagement.