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Les sommeils de la violence

par Abdou BENABBOU

Nous nous scandalisons devant l'amplification de la violence et d'une sauvagerie qui se déploie de plus en plus partout, en constatant avec une désolation que notre profil change pour que notre espèce se défigure sans nous rendre compte que les cultures et les mœurs ont drôlement changé. Notre sidération face à la montée de la violence qui n'épargne aucun coin du monde pèche par une remarquable naïveté. La source de l'hostilité n'est pas due à l'environnement puisque nous en sommes les architectes et il serait légitime d'admettre une bonne fois pour toutes que la Terre ne nous supporte plus.

L'avancée des technologies, jointe à la procréation incontrôlée et à l'injuste répartition des richesses mondiales nous ont guidés au fond d'un tunnel sans fin nous rendant dans l'incapacité de nous assumer. La civilisation de la consommation a voulu que nos besoins soient largement supérieurs à nos moyens et les appels d'air ont tout l'air de se perpétuer. Le sens et la culture du partage devenus obsolètes amènent à user de la force et de la violence comme armes pour dénicher une place dans les espaces communs. Ce sont toutes les mauvaises graines des guerres qui ont traversé la grande Histoire de l'espèce humaine qui refont surface. Sauf que leurs formes ont changé pour qu'elles gardent leurs perdurations jusqu'à rendre l'individu ennemi de lui-même incapable de savoir le prix de son indéfinissable mue. Cette mue séculaire se renouvelle à chaque escale des siècles pour que l'Homme soit obligé de changer de modes et d'habits. Elle est elle-même violence portant souvent avec elle des tragédies.

Bannir l'encre et le stylo pour s'en remettre à la fatalité du micro-ordinateur, troquer la galette de pain de la maison avec la flûte du boulanger ne sont pas des faits anodins. Si l'on devait répertorier la multitude des nouveaux us du moment, on se rendrait compte de la vraie nature de la violence qui sommeille en chacun et pourquoi les existences sont conjuguées à l'imparfait.

Il est certain que le conservatisme n'est pas de bon aloi. Mais ne s'en tenir qu'à l'apparat des faits aussi violents et parfois tragiques qu'ils soient n'est pas entière et complète compréhension.