Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Réquisition permanente

par Abdou BENABBOU

Parce que chacun et partout est l'objet d'une réquisition permanente depuis une année, s'impose l'obligation d'admettre qu'une troisième guerre mondiale a été bel et bien entamée. Les soldats amateurs que nous sommes l'affrontent en ordre dispersé et chacun ne dispose que de son âme pour un engagement contraint par la valse des confinements et des déconfinements incertain de savoir danser. Drôle de guerre en effet qui impose les face-à-face à s'écarter et qui oblige au contraire à se tapir et à se cacher dans des espaces de temps irréguliers.

Dans un doute effarant, chaque Etat fait semblant d'avoir trouvé une stratégie mais n'arrive pas à se départir des calculs politiciens comme si cet affrontement innommable était de bon augure pour affûter les épées et nourrir les canonnades politiques. Même ceux qui régissent le monde avec leurs puissances et leurs échanges de chamailles ont trouvé dans le désarroi de la population terrienne matière opportune à aiguiser pour s'auréoler d'une suprématie.

Le décompte morbide des décès s'oriente vers les trois millions et le virus continue de se mouvoir pour presque adresser un bras d'honneur aux sauvages raids armés chirurgicaux. Il a l'air de faire tourner en bourrique les plus savants comme s'il tenait à donner au sort décidé par les puissants un sens contraire et de nouvelles couleurs pour affirmer que la science ne décide pas de tout.

Le monde est embarqué dans une galère où la pauvreté s'étend sans efficace retenue et le mauvais roman actuel des vaccins dont la lecture reste encore difficilement lisible ne présage pas des certitudes quant à la fin de la damnation. Curieusement à l'heure actuelle, ce sont les populations les moins nanties et les plus déconsidérées qui semblent tirer leur épingle d'une guerre à laquelle il faudra bien se soumettre probablement toute une vie. Sans doute est-ce parce qu'ils se sont familiarisés depuis longtemps avec les coups de boutoir de la misère qui les ont endurcis.

Il devient tentant de croire que la nature et sa force implacable ont décidé que ne sortiraient indemnes de cette énième guerre mondiale que ceux qui portent le masque de la misère depuis longtemps.