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ONE, TWO, THREE ET LE CHANT A LA PARESSE DU PAYSAN

par Abdou BENABBOU

Le Hirak tient et résiste. C'est comme si les Algériens dans leur globalité se sont rendu compte qu'ils étaient dans un tunnel ou le noir est total. Ils s'y étaient engouffrés pourtant avec une docilité générale et il serait trop facile d'affirmer qu'on les avait trompés car la majorité s'était appliquée dans un consentement mal calculé pour suivre une marche dans les dédales persuadée que les comptes étaient bons. On a applaudi tour à tour à Ben Bella, à Boumediene, à Chadli, à Zeroual et à Bouteflika qui aurait pu bénéficier d'une présidence à vie si la santé ne lui avait pas fait défaut. L'aveu est inéluctable. Il y a eu bien sûr des échappées de fumée de quelques chaudrons. On n'oublie pas les échauffourées de Constantine, les morts du printemps berbère et ceux d'octobre 88 mais on n'ignore pas non plus les liesses qui ont accompagné l'arrivée imposée de chaque président.

Le profil des hommes s'identifie toujours avec celui des jours et il prend des couleurs selon les besoins. Il en est ainsi pour les peuples. Faute de voir s'ouvrir de solides perspectives pour l'avenir, on a applaudi des deux bras et deux pieds à la saisie des terres agricoles privées, à la suppression de l'autorisation de sortie et la préférence a été accordée aux chamailleries pour un frigo et pour la seigneurie du carton de bananes. On a même accepté une course recommandée pour l'acquisition d'une carte électorale pour l'octroi d'un simple et anodin acte d'état civil et reconnaître ainsi que la rentrée dans le rang était un devoir de patriote.

Puis on a craché sur les Souks El Fellah pour se rappeler ensuite que les bazars et leurs conteurs avaient du bon. Le 1er Novembre n'a été qu'une fin en soi et il lui suffisait de permettre à un Rabah Deriassa de chanter la paresse du paysan et libérer outrageusement les intonations des one, two, three, viva l'Algérie à tue-tête pour que l'indépendance se résume à un logement gratuit.

On veut aujourd'hui détourner un fleuve tari et chacun tente de lui trouver une mer où se jeter. Sauf que le ciel s'est fâché et ne dispose plus de pluie. Et il est peu probable que l'on soit enfin conscient que les ondées seules n'apportent pas avec elles la prospérité.