Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

LOURDE NONCHALANCE

par Abdou BENABBOU

Ainsi donc avec l'hébergement au cachot de l'ancien ministre de la Justice Tayeb Louh, c'est plus que la panoplie d'un gouvernement qui serait mise sous la garde des matons. Le peuple même dans ses élans coléreux vindicatif et exigeant n'en demandait pas tant. Dans sa sagesse et ses moments de pondération, il revient toujours au sens de la mesure et sa perspicacité confinant parfois avec une roublardise absolument humaine, il sait faire la part des choses et appréhender les justes milieux.

A la vue du fantasmatique tourbillon du chassé-croisé entre les prisons et les tribunaux avec leurs listes de gros nababs mis aux fers, il y a de quoi être décontenancé et le défilé imprimé par la justice a de quoi époustoufler. On ne sait ni comment ni quand cette valse spectaculaire va s'achever. Ce qui est palpable par contre est cette inertie colossale qui a glacé l'économie nationale et que ni le transvasement des nominations et des fins de fonctions dans les grandes institutions ni les recommandations pressantes du gouvernement n'arrivent à ranimer. Des décennies de la vie de l'Algérie sont parties en fumée et tous les indicateurs démontrent que le temps a encore suspendu son vol pour qu'une expectative générale s'installe dans la durée.

On peut comprendre les implacables coups de glaive et d'épée réunis et de leur précipitation en supposant que le soulèvement populaire du 22 février qui par bien des aspects n'avait d'égal que celui du 1er novembre, risquait de tout emporter. Mais on ne pouvait cependant occulter qu'une révolution de palais lancée dans l'urgence engendre de facto une mortification nationale où la peur et la prudence exagérée, dans l'attente de jours meilleurs et éclaircis, contraignent à la fuite face à la moindre initiative et devant le devoir d'assumer la plus petite prise en charge des responsabilités.

Administrations, industries et services se sont mis en sourdine pour ne pas être aux abonnés absents. Cette lourde nonchalance, bien pesée est sans doute plus nocive pour le pays qu'une générale désobéissance civile.