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LA MAISON BRULE

par Abdou BENABBOU

Les marches populaires continuent et les mises en garde de l'armée se poursuivent. On a la nette impression d'assister devant une maison rongée par un incendie, à un regroupement hétéroclite de personnes venues de toutes parts et des pompiers se chamaillant à coups de recettes opposées pour éteindre le feu. Les uns exigent de fracasser ce qui reste de la porte d'entrée, les autres proposent de braver les flammes en s'introduisant par les fenêtres et d'autres encore impassibles se croisent les bras et ferment les yeux devant un spectacle de fin du monde. Tous ou presque tous se soucient peu de la contenance des camions-citernes pour vérifier s'ils sont emplis d'eau.

L'armée tient dur comme fer à une élection présidentielle en affirmant que le plus tôt serait le mieux. Ceux qui marchent tous les vendredis réclament que celle-ci s'efface pour laisser l'opportunité pleine et entière à une gestion civile du pays. L'une comme les autres ne présentent que des menaces fortes et une littérature générale comme posologies mal conçues où les arrière-pensées ne sont pas absentes. Qui, comment et sur quelles bases doit-on faire asseoir un nouveau président de la République comme l'exige l'état-major et avec quelle peinture doit-on badigeonner l'armée comme réclamé chaque vendredi si tant qu'à faire on occulte que sans elle la tête du clan Bouteflika n'aurait jamais été coupée ?

En attendant, on voit bien que le pays dégage une très forte odeur de cramé. La dernière décision gouvernementale de fermer la majorité des minoteries algériennes est à elle seule une indication fortement symbolique d'un état des lieux délabré et les perspectives économiques ne présagent en aucune façon des jours heureux. Contrainte dans la panique, la planche à billets n'est qu'un remède de guérisseurs pour échapper à une ruine programmée par de faux mages.

Quand la maison brûle, insister et se focaliser sur les théories politiciennes et donner une consonance accrue aux manœuvres politiques aussi légitimes soient-elles est à bien des égards loin des préoccupations terre à terre de l'opérateur économique menacé de faillite et du travailleur qui est convaincu que son salaire est menacé.