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Un Eurovision, rouge... sang

par Moncef Wafi

C'est aujourd'hui que se tient la finale de l'Eurovision 2019 à Tel-Aviv en Israël et les tours de chants sur des scènes kitch devront se succéder alors que le sang des enfants palestiniens n'a pas encore séché. La dernière agression israélienne contre Ghaza, début mai, a fait 23 morts dans les rangs des civils palestiniens dont de nombreux enfants. Si l'effet de mode est à la normalisation avec l'Etat hébreu sous le chantage des Américains et les dollars des Al Saoud et des enfants de Zaïd, le milieu culturel international, lui, est à mille lieues de l'avilissement arabe.

Pour ces messieurs-dames de la scène mondiale (excepté Madonna, en perte de vitesse, qui a accepté de se produire là-bas), Israël profite de cette tribune artistique pour exporter son image de démocratie et vendre la carte postale que la propagande et les lobbys juifs de par le monde essayent d'imposer pour éluder la face sombre d'un apartheid érigé en modèle d'Etat-nation. Tout comme l'Afrique du Sud des Boers, Israël est un Etat qui considère officiellement la culture comme un instrument de propagande politique. Alors que les Saoudiens et les Emiratis continuent de financer les guerres fratricides en Libye et en Syrie et de massacrer des millions d'innocents au Yémen, la conscience des artistes prend les armes et la mobilisation, malgré le refus des chaînes de télévision de déprogrammer l'Eurovision, se généralise.

Plus de 100 artistes français ont dénoncé cet événement, annonçant qu'ils «n'iront pas à Tel-Aviv blanchir le système de discriminations légales et d'exclusion qui y sévit contre les Palestiniens, et (appellent) France Télévisions et la délégation française à ne pas servir de caution au régime» israélien. Une initiative qui n'est pas sans rappeler l'appel d'une cinquantaine de personnalités britanniques dont le chanteur Peter Gabriel et le cinéaste Ken Loach qui ont exhorté la BBC à boycotter ce concours pour protester contre la violation des droits des Palestiniens. «L'Eurovision est peut-être un divertissement léger, mais il n'est pas exempt de considérations liées aux droits de l'homme, et nous ne pouvons ignorer la violation systématique par Israël des droits des Palestiniens», écrivaient ces personnalités dans une tribune publiée par le quotidien The Guardian.

Pourtant, aucune voix ne s'est fait entendre du côté des pays arabo-musulmans, ne serait-ce que pour la forme, afin de boycotter cette édition, de même qu'aucun intellectuel arabe n'a signé de pétitions pour appuyer la campagne Boycott, désinvestissement et sanctions (BDS) contre Israël. S'il est certain que personne n'ira jeter des pierres contre Tsahal, chacun peut, à son niveau, contribuer à l'effort de résistance en s'abstenant d'acheter les produits ciblés par cette campagne.