Si le mal
est diagnostiqué et les causes de la métastase définies, il subsiste pourtant
un autre facteur qui a contribué, à son corps défendant, à l'effondrement d'un
Etat-nation qui n'aura jamais existé en Algérie. Un simple coup d'œil dans le
rétroviseur peut expliquer les raisons d'une dérive, politique avant tout, d'un
pays qui a toujours refusé de composer avec la multi-pluralité. Une poignée
d'opportunistes, sous couvert de la légitimité du maquis, avaient alors pris en
otage tout un pays, imposant leur modèle politico-social aux Algériens. La
confiscation de la parole, la criminalisation du débat contraire et
l'autoritarisme policier ont fini par caserner le pays. Ethnique, religieuse,
politique fût-elle, cette notion de pluralisme a lamentablement échoué après
l'ouverture supposée du champ politique post-octobre 88. Succédant à la
doctrine du parti unique, les Algériens ont dû faire face à un tsunami de
sigles politiques, créés souvent par les officines du régime en place, pour
noyer dans le nombre les quelques formations « sérieuses » porteuses d'un
projet de société. Cette volonté d'embouteiller la scène de prétendus
politiciens, parfois à la limite de la caricature, trouve son dessein dans
l'instrumentalisation de ces voix et la décrédibilisation
même de l'action politique. Depuis l'avènement de Bouteflika au pouvoir, cette
pratique a pris toute son ampleur et l'opposition, entre putschs internes et
élections bidonnées, a fini par ne représenter que ses hommes, de paille si ça
se trouve. Le terrain étant glissant, la place à pourvoir, l'absence de partis
politiques dignes de ce nom capables d'offrir des alternatives aux crises
politiques pouvant survenir, a déstabilisé le pouvoir qui se retrouve sans
interlocuteurs valables ou du moins représentatifs. Et c'est ce qui explique la
situation actuelle où un mouvement populaire, n'ayant plus confiance en ces
élites, a décidé de prendre les choses en main. Cette absence de leaderships du
hirak peut également trouver raison dans cette
défiance, somme toute compréhensible, des Algériens qui refusent des
porte-paroles autoproclamés de la rue. Par ailleurs, l'exemple des partis
islamistes algériens est de loin un cas d'école qui renseigne sur
l'infiltration de ces formations devenues outils de propagande et de division
aux mains du pouvoir. Reste que la guéguerre entre Makri
et Djaballah sur la culpabilité des uns et des autres
et leur implication avec le triumvirat de la conspiration est un aveu de plus
de l'échec retentissant d'un multipartisme à l'algérienne.