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Que demande le peuple ?

par Mahdi Boukhalfa

Cela n'étonne plus personne : les Algériens veulent un changement radical dans la gestion du pays.

L'élection présidentielle du 18 avril a pris des contours d'un véritable soulèvement contre le 5ème mandat que veut briguer le chef de l'Etat. Longtemps tue, cette ardente volonté de s'impliquer entièrement dans le processus de changement politique des Algériens, si elle est une nouveauté par son exubérance et son caractère populaire, n'en est fatalement que le résultat d'une profonde lassitude. Une extrême exaspération devant un immobilisme de la classe politique, toutes tendances confondues, et, plus que tout, un gouvernement absolument absent, qui n'a jamais répondu aux attentes et aux espoirs quant à une amélioration concrète des conditions de vie des Algériens.

L'explosion de colère des Algériens contre le 5ème mandat est par ailleurs l'expression d'une révolte contre un système de gouvernance qui a depuis longtemps perdu toute crédibilité et, plus que tout, est devenu la cible de critiques acerbes des milieux populaires qui parlent souvent de «corruption», de «népotisme», de «passe-droits», comme si le pays est devenu une propriété privée d'une classe d'Algériens. Ces dérives sociales sont en réalité le fruit d'un profond ressentiment des Algériens devant un avenir sans aucune ouverture vers des lendemains plus cléments. Le phénomène des «harraga», plus que l'attrait de la vie occidentale, est né de ce désespoir, de ce sentiment d'abandon dans lequel baignent des jeunes Algériens, alors que la démagogie du discours populiste du gouvernement a mis à rude épreuve la patience des Algériens.

Le 5ème mandat n'est pas exactement le détonateur de cette colère qui s'exprime maintenant depuis plus d'une semaine dans la rue, mais bien plus, c'est cette attitude arrogante et hautaine du pouvoir de croire que le peuple a une capacité illimitée de croire au «père Noël». Il ne faut pas s'étonner des déclarations du Premier ministre jeudi devant les parlementaires, lorsqu'il a menacé en des termes à peine voilés les manifestants contre le 5ème mandat. Avant lui, il y avait Abdelmalek Sellal, le SG de l'UGTA et des partisans du 5ème mandat qui ont agité le spectre du «chaos» si les manifestations contre la candidature du président Bouteflika se poursuivent. Certes, si la vigilance est de mise devant les possibles récupérations d'une colère citoyenne à travers ces manifestations populaires qui veulent également dire que le peuple demande des changements politiques et la manière dont est géré le pays et ses richesses, il ne faut pas, sur un autre registre, tomber dans l'angélisme politique pour croire que ceux qui mettent en garde contre le cas «syrien» ou «libyen» ne sont pas responsables, à leur manière, de ce coup de gueule de la rue algérienne.

A ce stade des événements, il faut absolument se concentrer sur une seule finalité : que tout se fasse dans le calme et que si élection il y a, qu'elle se déroule cette fois-ci dans la vraie transparence. Après, le peuple aura beaucoup plus de temps pour se consacrer à mettre de l'ordre, par des revendications démocratiques et citoyennes, dans la gestion de ses affaires par les prochains gouvernements.