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Une crise inutile

par Mahdi Boukhalfa

Le secteur de l'Education nationale n'arrive plus à exorciser ses vieux démons et renoue avec la «protesta» des syndicats. Et, surtout, avec un climat conflictuel qui n'arrange pas les affaires de l'école algérienne, déjà affaiblie et minée par ses contradictions. Terrible retour à la case départ et en particulier cette lancinante méfiance entre deux partenaires qui gagneraient énormément à s'asseoir autour d'une table et discuter franchement des points de discorde.

L'annonce d'une grève nationale le 21 janvier prochain par les six membres de l'intersyndicale, qui pourraient être rejoints d'ici là par d'autres syndicats, n'annonce aucune amélioration du fonctionnement global de l'école algérienne, condamnée depuis quelques années à manger son pain noir. La grogne des syndicats se justifie, par rapport à leurs déclarations et leurs revendications, sur un terrain tout à fait maîtrisable, celui de l'inflexion de la position du ministère et notamment de la ministre de l'Education à ne pas voir «tout en noir» quand cela vient des syndicats, fussent-ils les plus radicaux. Les temps actuels sont durs pour tout le monde, la mobilité sociale s'est ralentie, le coût de la vie est de plus en plus démentiel, le chômage s'installe dans la durée et les perspectives économiques ne sont pas bonnes, encore moins rassurantes.

Cette situation fait que les deux parties, syndicats comme ministère, n'ont d'autres choix que de s'entendre sur un «minimum syndical» et par-dessus tout à ne pas déréguler la machine sociale, déjà rudement malmenée par une brusque détérioration des conditions de vie. Quant aux syndicats, ils ont eux aussi leur part de responsabilité dans cette situation conflictuelle et ils doivent eux également restaurer l'ordre scolaire et jouer le jeu pour que l'école algérienne ne dérape pas, ne soit pas l'otage d'enjeux qui la dépassent et pourraient la déstabiliser. Mais également et surtout la maintenir dans ses travers et l'empêcher de progresser, de passer à un palier supérieur dans la prise en charge, la formation et l'éducation des générations futures. Car le climat politique stressé actuel n'est pas opportun pour de nouvelles batailles sans lendemain, encore moins des conflits que toutes les parties peuvent éviter.

S'il est vrai que les libertés syndicales ne doivent pas être touchées ni violentées du côté du ministère et des responsables des établissements scolaires, il est tout autant vrai que les enseignants et les responsables syndicaux sont eux également astreints à remplir les conditions «minima» pour que l'école algérienne ne soit pas l'otage des oppositions, parfois futiles, entre deux «blocs» qui ne s'affrontent pas sur un terrain balisé, celui de redonner de l'espoir quant à une prise en charge pérenne des besoins de l'Education nationale. Et, par-dessus tout, pour préserver cette école algérienne des enjeux sociaux d'une démarche économique désastreuse du gouvernement, tout comme il s'agit pour les deux partenaires d'instaurer un climat de dialogue propice à l'examen de toutes les revendications sociales, professionnelles et pédagogiques.

Rétablir ce climat de confiance et de dialogue au sein de l'école algérienne est plus qu'une mission, c'est un impératif générationnel qui doit être pris en charge, chacun selon ses moyens, autant par le gouvernement à travers le ministère que les syndicats à travers les enseignants, première courroie pour la restauration de la confiance et la sérénité au sein de l'école algérienne. A partir de là, toutes les réformes, toutes les revendications sont négociables, possibles.