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La présidentielle s'emballe

par Mahdi Boukhalfa

Tout le monde a compris, sauf lui. Djamel Ould Abbès est en train de vivre ce qu'il a fait endurer à l'ex-président du Parlement Saïd Bouhadja, dégagé par un intolérable mouvement de dissidence des parlementaires de la majorité, appuyés par leurs secrétaires généraux. Ould Abbès et Ouyahia avaient joué, dans la destitution de Saïd Bouhadja, une partition cynique, à la limite de l'hypocrisie politique. Sans deviner qu'ils peuvent eux-mêmes tomber dans le même piège, celui de partir au moment où ils s'accrochent le plus. Avec l'éviction sans ménagement d'Ould Abbès, tout comme le président de l'APN, tout le monde retient son souffle, car le troisième changement en vue dans les plus hauts sommets de l'Etat pourrait intervenir rapidement, à voir la vitesse à laquelle certains fusibles devenus inutiles sont en train d'être remplacés.

Le Premier ministre et chef de la seconde force politique du pays pourrait être ce fusible qui saute pour baliser la voie à un scénario, qui serait déjà tracé, pour l'élection présidentielle d'avril prochain. L'attaque violente de Tayeb Louh contre le SG du RND, lui reprochant d'être derrière le scandale de l'incarcération des cadres gestionnaires au milieu de la décennie 1990 et d'avoir voulu augmenter les droits de timbre de documents biométriques dans le PLFC 2018, n'est pas innocente. D'autant que des militants du FLN affirment que Louh avait fait ces reproches au Premier ministre actuel, en tant que cadre du FLN, lors d'un meeting de la société civile qui a été boudé en outre par le RND. La situation actuelle, avec un silence énigmatique d'Amara Benyounès quant à son soutien à un 5ème mandat du président Bouteflika, même s'il participe aux regroupements de la coalition de soutien au président, laisse penser qu'Ahmed Ouyahia, un potentiel présidentiable en cas de non candidature de M. Bouteflika, serait lui également sur un siège éjectable.

Visiblement, les attaques de Louh contre Ouyahia peuvent être décryptées, maintenant que le scénario commence à se mettre en place, comme une manœuvre pour mettre hors circuit un potentiel concurrent. Non pas au président Bouteflika, la sincérité de M. Ouyahia et sa loyauté envers le chef de l'Etat ne se discutent pas, mais dans le cas d'une configuration absolument nouvelle qui viendrait déranger les plans en train d'être établis en prévision de l'élection présidentielle de 2019. Les changements subits à la tête du Parlement et au FLN, entachés d'irrégularités flagrantes, confirment que les choses vont s'accélérer d'ici à la fin de l'année. L'entorse à la réserve des déclarations de Tayeb Louh, cadre du FLN et proche du cercle présidentiel, à l'encontre du chef du RND et la manière avec laquelle Ould Abbès a été dégagé laissent présager que quelque chose d'important est en train de se préparer.

Un plan «B» dans le cas d'une indisponibilité pour raisons de santé du chef de l'Etat à briguer un 5ème mandat est envisageable, cela est possible et parfaitement dans la nature des choses. Par contre, cette élection présidentielle ne se concentre pas sur une seule candidature, celle éventuelle du président Bouteflika, mais son parti peut, le cas échéant, et sur sa propre proposition, mettre dans le bain un autre candidat qui ferait le consensus au sein de l'alliance présidentielle. Tous les scénarios sont possibles et des surprises ne sont pas également à écarter. Ce qui expliquerait, peut-être, qu'un «bavard» comme Ould Abbès soit dégagé avant terme et qu'un potentiel présidentiable soit attaqué sur sa gestion antérieure du dossier des cadres gestionnaires.