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Menaces et intimidations

par Mahdi Boukhalfa

La réunion ?'technique'' des pays Opep et non-Opep prévue ce dimanche à Alger pour examiner le respect des quotas de production des pays exportateurs de pétrole a subi une première tentative de sabordage. Sinon une intimidation et des menaces directes du président américain qui a exigé de l'Organisation qu'elle augmente sa production et donc facilite le retour à une baisse des prix. L'exigence du président américain, qui a pratiquement ordonné aux pays producteurs du Golfe, dont l'Arabie Saoudite, d'augmenter leur production, intervient à un moment où les prix sont à des niveaux très encourageants pour les pays exportateurs et, surtout, commencent à avoir un excellent retour sur les investissements consentis pour améliorer l'offre mondiale de brut.

La réunion ministérielle du comité technique des pays Opep et non-Opep est ainsi ciblée directement par Donald Trump qui n'a pas caché ses menaces, dans un de ses tweets, dans le cas où son appel n'est pas suivi d'effet. L'appel à une hausse de la production de l'Opep est le second que le président américain lance à l'adresse des pays producteurs du Conseil de coopération du Golfe, après celui de juillet dernier lorsqu'il avait demandé au roi Salmane d'Arabie Saoudite d'augmenter la production de Ryad de 2 mbj pour compenser les pertes induites par la situation au Venezuela et les sanctions économiques contre l'Iran. Or, le président américain oublie un fait important, à savoir que les pays Opep et non-Opep, dont la Russie, ont convenu d'unir leurs efforts pour justement maintenir les prix du brut à des niveaux acceptables. D'abord au profit des pays producteurs, ensuite pour que leurs investissements, très lourds, dans le secteur pétrolier soient rentables et ne pénalisent pas également les petits pays producteurs qui ne peuvent mettre plus de 1 mbj sur le marché.

Ce que le président américain oublie en voulant dicter sa volonté à l'Opep pour avoir un pétrole moins cher, c'est que ce sont en réalité ses décisions belliqueuses, irresponsables qui perturbent et provoquent la psychose au sein des marchés. C'est bien sa décision d'isoler l'Iran avec un embargo économique total, la menace de sanctions contre les entreprises européennes, asiatiques ou américaines qui maintiendraient leur présence en Iran, le boycott du pétrole du Venezuela et l'isolement du régime de Maduro qui ont fait grimper les prix du brut. Ces décisions irresponsables de Trump ont déclenché en fait une reprise des cours du brut et provoqué une panique et une complète désorganisation des marchés qui appréhendent dorénavant la réaction du locataire de la Maison Blanche par rapport à l'actualité internationale.

Or, au sein de l'Opep, si les pays membres du CCG, dont l'Arabie Saoudite, le Koweït et dans une moindre mesure le Qatar, sont parmi les gros producteurs de l'Organisation, Ryad mettant plus de 10 mbj sur le marché, il reste que les pays non-Opep comme la Russie ou la Norvège peuvent constituer un front uni de la résistance contre le diktat américain. D'autant que Moscou, indirectement visée par Washington pour avoir équipé la Chine en armement de dernière technologie, ne bouderait pas son plaisir à contrecarrer les objectifs de Trump de relancer la croissance américaine avec un pétrole au ?'dollar'' symbolique. Sa quête du pétrole de schiste pour inonder le marché mondial et faire baisser les prix du brut ayant échoué, Trump, qui exaspère même ses partisans et indispose par sa politique économique franchement protectrice ses alliés européens, opte cette fois-ci pour le bâton à l'encontre des pays Opep. Sera-t-il entendu à Alger ?