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Cafouillage

par Mahdi Boukhalfa

L'opposition, comme à son habitude, s'emporte contre le pouvoir, dénonce l'absence des libertés publiques et condamne le recours des autorités à des moyens «condamnables» pour empêcher une marche citoyenne. L'opposition s'emporte également contre le pouvoir et manifeste sa suspicion face à des partis écrans comme aux principales formations dont le FLN qui s'entraînent d'ores et déjà à étaler leur force en prévision du mois d'avril prochain. Ce qui explique clairement qu'il n'y aura, en 2019 et jusqu'à 2024 au moins, aucune alternance au pouvoir. Aucune fenêtre sur une autre Algérie qui serait dirigée par d'autres visages, d'autres personnalités politiques. Mais ce sera bien une continuité politique avec, si le président Bouteflika répond favorablement à ses soutiens, la concrétisation par l'urne d'un 5ème mandat.

Un mandat de trop pour l'opposition, mais, paradoxalement, n'arrive pas à se mettre d'accord sur un programme politique commun. Alors qu'en face c'est «l'union qui fait la force» de ce que sera une campagne pour un 5ème mandat. Et cette tâche fait phosphorer le SG du FLN, Ould Abbès, qui n'hésite plus, exalté par la perspective d'un 5ème mandat, à jouer les intrus dans des sujets et des dossiers qui ne le concernent ni de près ni de loin. Ses appréciations sur la visite de la chancelière allemande en Algérie, ce lundi, ne reflètent en réalité qu'une réaction d'un politique sur un champ désert, laissé vacant par une communication officielle dramatiquement absente sur l'agenda de la chancelière en Algérie. Une situation, si elle ouvre la porte aux opportunistes pour en tirer quelques profits politiques, accable l'opposition qui reste engluée dans une misérable posture de la victimisation.

Ce qui, à l'évidence, aurait ainsi donné des idées à quelques courants urbains, excédés par le dualisme stérile et pédant entre partis du pouvoir et opposition, et sont sortis de leur anonymat pour, eux aussi, entrer de plain-pied dans la bataille politique en prévision de l'élection présidentielle d'avril 2019. Et de proposer un candidat pour le moins renversant : l'ex-patron des services de renseignements algériens. Rien moins que le très obscur général Mohamed Médiène, alias Toufik. L'association «Casbawiya», qui n'a pas encore le feu vert de son candidat, se pose dès lors comme une alternative à l'immobilisme politique ambiant, côté opposition. Car si les partis au pouvoir ont déjà leur candidat, en la personne du président Bouteflika, qui n'a pas encore donné sa «réponse», l'opposition, en refusant cette option, celle d'une candidature pour un 5ème mandat, ne fait quant à elle aucune avancée en proposant une autre alternative.

Ce n'est pas encore du nihilisme, mais un suicide politique sûrement, car rien n'empêche cette opposition à présenter ses candidats. De jouer le jeu et de ne pas laisser le champ de bataille abandonné et, surtout, d'être fidèle à ses principes, ceux qui voudraient qu'une bataille politique soit remportée ou perdue, selon la loi fondamentale de la démocratie. Une stratégie que semble vouloir prendre cette association qui a demandé à l'ex-chef du DRS de se présenter à la présidentielle de 2019. Une manœuvre citoyenne certes, mais qui explique cependant toute l'indigence politique dans un pays qui n'arrive plus à fabriquer des élites capables de le faire avancer, de le dégager de ce climat angoissant de sinistrose, de cette inconfortable posture de dépendance vis-à-vis de tout, du pétrole jusqu'au président chargé de gérer le détail de la vie des Algériens.