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Vérité amère

par Mahdi Boukhalfa

Vu du secteur du tourisme, l'après pétrole relève du rêve. Les vacances de fin d'année et les départs à l'étranger de milliers de familles rappellent une vérité amère: l'indigence de l'offre touristique nationale ne peut constituer à moyen terme une alternative au tout pétrole. Non seulement l'offre en hôtels classés est rachitique, encore faut-il y ajouter des prix complètement disproportionnés, des packages inexistants et des tarifs de transport aérien hors budget. C'est pratiquement le désert de ce côté-ci de la sphère touristique nationale.

Les départs massifs d'Algériens à l'étranger passer les fêtes de fin d'année est révélateur de l'immense retard pris par le secteur du tourisme dans notre pays. Le constat pour les dix années à venir est autrement déprimant, car le gouvernement ne propose pas une amélioration de la situation et n'a pas, en réalité, une stratégie touristique à long terme, encore moins une vision avec des objectifs à réaliser par rapport à la création d'une industrie touristique. Au ministère du Tourisme, on en est encore à faire le point sur le projet des ZET, un projet mort-né qui n'a pas réalisé ses objectifs et qui, aujourd'hui, accapare l'essentiel des efforts d'un ministère apparemment dépassé par les enjeux économiques et financiers de l'industrie du tourisme. Or, si les autorités ont depuis quelques années assigné des objectifs ambitieux au secteur, en particulier dans le cadre de la politique de substitution des exportations pétrolières par les produits de l'industrie touristique, capable de générer une rente annuelle confortable, en réalité rien de tout cela n'est visible.

En fait, le secteur du tourisme n'offre aucune visibilité sur ce qu'il compte mettre en place pour que les milliers d'Algériens qui partent passer un simple week-end en Tunisie aient suffisamment de raisons objectives de le passer dans leur pays. Au manque d'infrastructures hôtelières, aux prix prohibitifs, il faut également ajouter tous les autres grands produits qui gravitent autour du tourisme et qui le musclent et lui donnent sa raison de vivre: en Algérie, il n'y a pratiquement plus de salles de cinéma, de salles de spectacle, très peu de théâtres, pas d'animation et, pour ne pas clore une longue liste de produits introuvables sur le marché algérien du tourisme, pas de grands restaurants ou pas de restaurants après un black-out dès 21 heures dans les grandes villes du pays, celles potentiellement attractives avec leur histoire, leurs musées, leurs spécificités culturelles.

On rappelle que selon l'indice de la compétitivité du secteur du voyage et du tourisme du Forum économique mondial (WEF), l'Algérie arrive à la 123ème place sur 140 pays pour ce qui est de la compétitivité du secteur du voyage et du tourisme, quand la Tunisie est à la 79ème place et le Maroc à la 62ème. La comparaison ne vaut d'ailleurs que par la différence énorme entre l'offre en Algérie et celle des deux autres pays maghrébins. Le tourisme ne pourra jamais, par ailleurs, être une source de revenus en devises permanents et réguliers, de nature à améliorer sa part dans le PIB pouvant passer de 2,5% actuellement à 10% d'ici à 2030, qu'escompte le gouvernement, quand la politique des visas reste sclérosée et handicapante. Très peu d'efforts ont été accomplis sur ce dossier, l'Algérie donnant l'image, de l'extérieur, d'un pays fermé sur lui-même. Il ne faut pas s'étonner, là également, que la route des touristes du monde évite la destination Algérie où obtenir un visa équivaut à un parcours qu'un touriste lambda n'est pas prêt à faire.