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La planche à billets n'était pas une fatalité

par Mahdi Boukhalfa

Le Fonds monétaire international (FMI) l'affirme: l'Algérie n'aurait pas dû aller vers le financement non conventionnel pour faire face à la crise financière née de la chute de ses recettes pétrolières. Pour le Fonds, qui a été sollicité en 1994 alors que le pays était pratiquement en cessation de paiement, il y a d'autres mécanismes, d'autres solutions à la fatalité de la «planche à billets». En plus, il y a, selon son directeur exécutif pour la région Mena et Asie centrale, «de meilleures voies sans impact négatif et garantissant plus d'indépendance à la Banque centrale».

L'Algérie n'aurait donc pas dû aller vers cette voie sans issue qu'est le financement non conventionnel, car cela a été déjà utilisé dans d'autres pays, sans grands résultats, si ce n'est une hausse de l'inflation et une forte dévaluation de la monnaie locale. Et puis les perspectives ne sont pas bonnes, puisque selon le FMI la croissance devrait rester faible pour les trois prochaines années. Bref, l'Algérie, qui a opté pour «la planche à billets», n'a pas choisi les bons instruments pour affronter la crise. En fait, les remarques du FMI ont été déjà signifiées au gouvernement Ouyahia par des experts «locaux», mais qui, hélas, n'ont pas été entendus. Et, ironie de l'histoire, c'est ce même Ahmed Ouyahia, qui avait en 2009 introduit un système de paiement des importations catastrophique pour les banques algériennes (Crédoc), qui avait négocié au milieu des années 1990 avec le FMI dans le cadre de la facilité de financement élargi (FFE), avec en toile de fond le démantèlement de centaines de PME et la mise au chômage forcé de dizaines de milliers de travailleurs.

Aujourd'hui, 20 ans après, l'Algérie est dans la même situation, ou presque: les réserves en devises fondent comme neige au soleil et le plan de guerre contre la crise ne va pas cautériser les plaies, l'économie nationale devant consommer du papier au lieu de créer de la richesse, et donc qu'il n'y aura ni croissance ni amélioration des indicateurs économiques, mais juste le paiement sans contrepartie des travailleurs et des entreprises grâce au jeu d'écritures entre la Banque centrale et le Trésor. Là, le gouvernement ne semble pas se soucier des conséquences sociales catastrophiques de cette stratégie de «non-endettement» extérieur, qui a fait naître cette ruineuse idée du financement non conventionnel. Les «conseils» du FMI ne sont pas neutres ni gratuits, certes, mais il aurait été judicieux de l'écouter, cette fois encore, au lieu d'aller vers des solutions extrêmes qui n'ont pas fait que des heureux là où elles ont été appliquées. Et souvent sur le corps de milliers de manifestants et des élites de ces pays qui avaient refusé d'être les victimes expiatoires des errements de leurs gouvernants.

Trouver des solutions courageuses et pérennes à la crise actuelle, en ne succombant pas aux sirènes de la planche à billets, aurait été une bonne entreprise qui ne compromet ni la dignité des Algériens ni la décision politique du pays. Ce que promet le gouvernement aux Algériens, ce n'est pas un resserrement monétaire pour mieux canaliser les investissements productifs, qui iront vers la création de l'emploi, de l'épargne et de la circulation de la monnaie, mais une période difficile, avec beaucoup de privations, et des tendances inflationnistes de plus en plus intolérables. C'est ce que voulait dire le FMI en expliquant au gouvernement algérien que la planche à billets aurait pu être évitée et que l'endettement extérieur n'est pas «si mauvais que ça».