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La politique de la terreur

par Moncef Wafi

L'attentat de Manchester, revendiqué par Daech, sonne comme un rappel de la menace terroriste sur l'Europe. Après Paris, Bruxelles, Berlin, Londres, Stockholm, c'est au tour de la ville mancunienne de payer son tribut à la folie meurtrière en enterrant 22 des siens, morts lors d'un concert pop. L'explosion kamikaze vient de nouveau raviver les craintes de l'Europe sur le retour brutal de ses djihadistes partis combattre en Syrie.

Faut-il pour autant voir dans cet attentat un message adressé à l'OTAN qui tient son sommet demain à Bruxelles ? Si la capitale belge a pris ses précautions sécuritaires en perspective d'une éventuelle attaque terroriste, l'analyse de la menace estime qu'il n'y a pas d'information spécifique y faisant référence. Pourtant, le message est politique, suffisant pour faire de Daech une priorité, ce jeudi, avec le premier sommet otanien pour Trump. L'attentat de Manchester pourrait être un élément de réponse d'El Baghdadi aux menaces du président américain qui avait qualifié l'EI, mais aussi Téhéran, de menaces majeures pour le Moyen-Orient.

A partir d'Israël, le discours de Trump est d'autant plus symbolique que Daech a, jusque-là, épargné les intérêts israéliens dans la région. La stratégie de l'EI est simple en frappant au cœur des villes européennes et en s'en prenant aux civils sans distinction de sexe et d'âge. Exporter la violence terroriste comme réponse à ses défaites militaires en Syrie, en Irak ou en Libye, Daech s'est inscrit dans cette logique, jouant sur cette dualité tout occidentale résumée dans un éditorial du New York Times qui conseillait à l'administration Trump de soutenir l'Etat islamique en Syrie. Dans ces mêmes colonnes, on avait rapporté l'édito de Thomas Friedman, triple lauréat du prix Pulitzer, qui appelait la Maison Blanche à soutenir militairement Daech en Syrie, tout en luttant contre cette même organisation terroriste en Irak.

Dans la logique de l'éditorialiste, il existe deux Daech, le «territorial», qui s'étend de l'Irak à la Syrie, et le «virtuel», dont le terrain djihadiste est le cyberespace. Pour Friedman, le Daech fictif est plus dangereux, constituant la première menace pour le reste du monde occidental puisqu'il «dissémine son idéologie grâce à Internet». Dans sa lecture, le «Daech» qui tue et mutile les musulmans en Irak et en Syrie est un atout stratégique pour les États-Unis et leurs alliés. D'après lui, sa défaite militaire dans la région entraînerait une recrudescence des attentats du «Daech virtuel», surtout en Occident. Et l'EI dans sa politique de la terreur joue superbement sur ce registre qui pourrait être, au final, son meilleur allié dans la bataille.