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Les vampires de l'importation

par Moncef Wafi

Et si Estrosi, en exigeant d'Alger d'instaurer un quota de 20.000 tonnes de pommes des Alpes «minimum» pour sauver les exploitations alpines, savait ce qu'il faisait. Et à qui il s'adressait ?

Le crime de lèse-majesté qui a choqué les Algériens vient de connaître son écho à travers la déclaration de Tebboune, ministre du Commerce et de l'Habitat. A propos des licences d'importation, il a tout d'abord voulu être pédagogue en indiquant aux partenaires étrangers que l'Algérie régulera davantage ses importations tout en respectant ses engagements internationaux.

S'il a été rassurant en précisant que les produits de première nécessité (légumineuses, céréales, huile et sucre) n'étaient pas concernés par ce dispositif de licences, il s'est néanmoins montré ferme face aux puissants lobbies des importations exsangues.

Tebboune, en affirmant que le gouvernement ne cédera pas aux pressions de parties qui veulent importer la pomme en dépit de sa disponibilité, faisant certainement référence à l'épisode Estrosi, vient derechef relancer la polémique sur ces groupes d'intérêt qui ont eu raison de son prédécesseur. Les propos du ministre ont cette gravité d'un aveu d'impuissance, pas seulement dans les faits, mais malheureusement dans le fond. Qu'un ministre d'une République, vendue comme étant un Etat de droit, reconnaisse explicitement l'existence et surtout le poids de cette économie parallèle vampirisante, nous renvoie directement aux raisons d'être d'un gouvernement incapable de protéger le pays.

La déclaration de Tebboune a cette consonance qui fait froid dans le dos quand il insiste sur la volonté de l'Etat à ne pas se laisser intimider. «Ne pas céder», «pression», soulignent un vocabulaire défensif suggérant que l'Algérie est plus en train de se défendre contre ces relais extérieurs que de s'attaquer au commerce informel qui menace la pérennité des circuits officiels. Une évidence plus qu'un constat. Preuve en est que le gouvernement a démontré une incapacité chronique à éradiquer même les marchés informels faits de tôle ondulée et de parpaings.

En sommant les Algériens d'acheter ces satanées pommes des Alpes, l'ex-maire LR de Nice envoyait un message fort aux courroies de transmission. Et à décortiquer la réaction de Tebboune, les désirs d'Estrosi ont trouvé écho dans les plus hautes sphères du pouvoir. Sinon comment expliquer la sortie médiatique du ministre qui voulait certainement dégainer le premier, histoire de marquer son territoire et tracer les lignes rouges à ne pas dépasser ?

L'enjeu des licences d'importation est colossal. Des centaines de millions de dollars sont à distribuer entre un groupe de plus en plus restreint de privilégiés provoquant un monopole de fait à l'image de ce qui est en train de se passer dans le secteur automobile ou de l'électroménager.