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Froide, la leçon

par Moncef Wafi

35% des établissements scolaires en Algérie ne disposent pas de chauffage. Le chiffre publié par El Khabar dans son édition de jeudi dernier est celui fourni par la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'homme. Un constat désolant sur l'état de l'école algérienne loin des considérations toutes philosophiques autour d'une réforme du système éducatif et des fiches de paie des uns et des autres. Ceux qui circonscrivent l'école dans un contexte idéologique, croisant le fer entre conservateurs et réformateurs, se trompent lourdement sur les problèmes de l'éducation nationale.

On aura beau avoir le meilleur système éducatif importé du Japon ou copié-collé sur la Finlande, on pourra recruter les enseignants d'Harvard et de Yale pour enseigner dans nos douars, on ne pourra jamais, par contre, compter sur une récolte de petits génies qui suivent leurs cours dans des glaçons. L'absence de chauffage dans les classes est l'un des problèmes les plus anachroniques dans un pays de gaz et qui alloue des milliards pour l'éliminer. Alors qu'à Alger on décide avant de faire marche arrière pour tout et rien, l'arrière-pays continue, l'hiver, de grelotter de froid dans les écoles des villages et des douars. Aussi bien les élèves que les enseignants de 2.700 établissements scolaires, tous paliers confondus, passent six heures par jour en moyenne à essayer de se réchauffer au lieu de se concentrer sur leurs leçons. On parle là d'enfants algériens qui poursuivent leur scolarité dans le dénuement le plus total, victimes de l'incompétence des responsables locaux.

Si le ministère de l'Education nationale est le premier responsable du secteur, la culpabilité de ses représentants locaux est entièrement avérée. En effet, la question se pose sur la destination des milliards qui sont réservés pour chauffer les classes. Entre inexistence de système de chauffage, des appareils obsolètes et surtout dangereux et absence de mazout, l'école continue de geler sans qu'aucune partie ne daigne prendre ses responsabilités. Le problème est d'autant plus grave qu'il a poussé les parents d'élèves et le corps enseignant à débrayer pour attirer l'attention des autorités compétentes. Mais sans plus.

Le chauffage n'est pas la seule lacune d'une école qu'on veut élitiste, comme quoi, mais le transport scolaire, la restauration, le volume horaire, le niveau des enseignants se partagent le reste du gâteau. Alors au lieu de discourir sur l'«excellence» du modèle éducatif national, messieurs les décideurs ayez pitié de ces pauvres enfants qui meurent «intellectuellement» de froid.