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Une mémoire amnésique

par Moncef Wafi

Fillon pour les Républicains, Hollande hors course et ballotage à gauche entre Macron et Valls, le FN de Le Pen fille et Mélenchon au milieu, les contours de la présidentielle française se précisent. De l'Algérie, on suit de près l'évolution des forces et des chances de chaque candidat avec comme prisme de vue les centres d'intérêts politico-économiques entre les deux capitales et surtout les deals secrets passés entre les classes dirigeantes.

Des quatre cadors en présence, en fait ils ne seront que trois en avril prochain, la relation avec l'ancienne colonie doit certainement arriver en bonne position des options, directement ou pas à travers le poids du vivier électoral émigré et des anciens de l'Algérie française. Si les sondages donnent au deuxième tour un Fillon, loin d'être un proche d'Alger, et une Le Pen qui joue encore sur la stigmatisation des Arabes et des musulmans, la question de la Mémoire n'est jamais très loin des débats. Qui dit Mémoire, évoque forcément une colonisation savamment embellie par les candidats en lice pour l'Elysée. La lettre ouverte de Mohamed Garne, auteur du livre «Français par le crime», au candidat Macron, est éloquente à ce propos puisqu'elle résume le lien entretenu avec cette colonisation diversement appréciée des deux côtés de la Méditerranée.

Pour l'ex-ministre français de l'Economie, la réalité de la colonisation se retrouve aussi bien dans «la torture, mais aussi l'émergence d'un Etat, de richesses, de classes moyennes». Fillon, lui, est moins nuancé puisque «la France n'est pas coupable d'avoir voulu faire partager sa culture aux peuples d'Afrique». Mohamed Garne, première victime de la guerre d'Algérie reconnue officiellement par la justice française, en novembre 2001, renvoie les Français à leur histoire, à celle de 2005 qui a essayé de faire adopter une loi pour reconnaître «le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord», n'était-ce l'intervention personnelle du président Jacques Chirac. Celle de 2016, écrit-il, reste toujours partagée entre des appels pour reconnaître les crimes de la France et des déclarations insupportables à l'instar de celle de Fillon. La question mémorielle de la reconnaissance des crimes coloniaux et celle du pardon ne seront jamais résolues tant qu'elles constitueront un alibi électoral vu de Paris et un fonds de commerce conjoncturel pensé d'Alger.