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L'ombre grandissante du FMI

par Moncef Wafi

Le ministre des Finances, Hadji Baba Ammi, a participé à la réunion des ministres arabes des Finances avec la directrice générale du FMI, Christine Lagarde. Entre autres sujets abordés à Washington, la nature de l'appui que pourraient apporter le Groupe de la Banque mondiale et le FMI aux pays membres pour faire face aux défis de développement et l'impératif pour les pays producteurs des matières premières, notamment les hydrocarbures, de réajuster leur politique économique. Voilà pour le menu.

S'imbriquant, les deux intitulés suggèrent un positionnement derrière les mesures préconisées par le FMI pour aider les pays à s'en sortir. Ajustement structurel, endettement extérieur, révision à la baisse des subventions étatiques, une batterie de mesures impopulaires qui ont déjà été appliquées en Algérie dans les années 90. L'expérience a montré que l'intrusion du FMI dans les politiques économiques et financières d'un pays n'est certainement pas l'idéal pour les peuples et le meilleur exemple à donner est celui de l'Equateur. Lors d'une intervention organisée à la Sorbonne, Rafael Correa, le président de la République d'Equateur, et à une question posée par un jeune Espagnol qui lui demandait comment il a fait pour avoir stabilisé le taux de chômage à 4,3% alors qu'en Espagne il est de 26%, il a répondu : «C'est simple, je n'ai pas appliqué les recettes du FMI».

Si ailleurs on a compris qu'on a rien, mais absolument rien à gagner en se pacsant avec le Fonds monétaire international, certains en Algérie ont plutôt la nostalgie des fameux plans d'ajustement structurel qui ont étranglé les Algériens, déstructurant à jamais cette classe moyenne, petite bourgeoisie urbaine. L'histoire de l'Algérie avec le FMI ressemble à s'y méprendre à ce mariage de raison. D'intérêts surtout sonnants et trébuchants. Un couple pour le pire seulement et la victime, vous l'aurez compris, n'est pas l'Equateur. C'est aussi celle du grand écart.

En 2014, l'Algérie offrait 5 milliards de dollars au FMI. En avril 1994, l'économie algérienne est soumise au programme d'ajustement structurel suite à un accord avec le FMI et l'acceptation, pour la première fois de son histoire, de rééchelonner ses dettes extérieures vis-à-vis des Clubs de Paris et de Londres. Malgré la bonne santé des indicateurs macro-économiques, une profonde crise économique plonge le pays dans le chômage endémique, la fermeture d'un nombre de plus en plus grand d'entreprises publiques et la réduction drastique des effectifs d'autres entités industrielles ainsi qu'une baisse importante du pouvoir d'achat de la majorité de la population. Un peu comme aujourd'hui et l'Algérie n'a rien inventé.

En 2016, les prix du pétrole se cassent magistralement la gueule et l'Algérie se retrouve de nouveau dans la ligne de mire de madame Lagarde. En effet, le FMI fait dans ce qu'il sait mieux faire : les conseils gratuits pour être payé ensuite rubis sur l'ongle. Il persiste à croire, à nous faire croire que le pays doit s'endetter pour sortir de la crise financière qui le frappe de plein fouet. La mission du FMI qui a séjourné en Algérie entre le 1er et le 14 mars dernier a fait son audit. Notre testament. Se basant sur la diminution rapide de l'épargne budgétaire, le Fonds estime qu'il est plus que nécessaire de faire appel à l'endettement pour financer les déficits à l'avenir. Il préconise également l'ouverture du capital dans la transparence de certaines entreprises publiques et la réforme des subventions tout en conseillant «de vastes réformes structurelles».

Le FMI veut aussi une plus grande ouverture de l'économie aux échanges internationaux et à l'investissement étranger, l'amélioration de l'accès à la finance et le développement des marchés de capitaux, et le renforcement de la gouvernance, la concurrence et la transparence. En deux mots, préparer la potence au secteur public et installer durablement le privé aux rênes de l'économie nationale. Une stratégie loin d'être un simple vœu puisque ces deux dernières années on assiste impuissants à l'émergence d'une faune d'hommes d'affaires puissamment relayés dans le gouvernement Sellal prêts à sacrifier tous les acquis sociaux à la gloire de la rente.