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Des violons mal accordés

par Moncef Wafi

Le fait même de voir le ministre de la Communication affirmer qu'il y a une «cohésion, une solidarité et une discipline gouvernementale» dans l'application du programme de Bouteflika est une réponse à peine déguisée aux dernières déclarations du ministre du Commerce sur la mafia qui sévit dans son secteur et surtout sur la question de la levée d'interdiction sur l'importation des voitures d'occasion.

Les dernières sorties de Belaïb ont eu le mérite de bousculer le gouvernement dans sa torpeur et d'interpeller l'opinion publique et les partis de l'opposition sur des sujets aussi graves que la corruption et les protections en haut lieu. Pourtant, le ministre s'est fait violemment rappeler à l'ordre de l'intérieur même de sa chapelle politique et la décision sur les voitures de moins de trois ans a été destinataire d'une réponse pour le moins péremptoire qui rappelle plus un ballon-sonde. Cette disposition n'a finalement pas été retenue, s'étant simplement contenté de commenter.

Cette discordance des voix n'est pourtant pas nouvelle, n'en déplaise à Grine, puisque les exemples d'une guerre des dossiers à l'intérieur même du gouvernement ont rejailli publiquement à travers des décisions et de contre-décisions qui ont laissé les Algériens médusés. Plus qu'une mauvaise communication, il est difficile de croire que le gouvernement Sellal travaille sous le fronton de l'union. Difficile de donner du crédit à ceux qui revendiquent une prétendue cohésion, si ce n'est de façade, d'un gouvernement qui aura passé plus de temps à se reprendre qu'à donner l'impression de suivre une feuille de route tracée en amont.

Que d'hésitations, de décisions et contre-décisions, de déclarations et de démentis ces deux dernières années sous les yeux interdits de l'opinion publique. Une véritable cacophonie du gouvernement donnant la désagréable impression de l'absence d'un chef d'orchestre lâchant la bride à des ministres qui prennent des décisions aussitôt remises en question. A titre illustratif, le dossier des licences de vente d'alcool, celui des nouveaux cahiers des charges concernant l'importation des véhicules neufs et, enfin, le tout dernier, le dossier de l'enseignement de l'arabe dialectal au primaire désavouant publiquement Benghebrit, qui ont mis à nu un dysfonctionnement flagrant de la machine gouvernementale. Des marches arrière sur des sujets d'intérêt général qui poussent les Algériens à s'interroger.

Ces revirements, aussi spectaculaires que navrants à l'image de la passe d'armes entre Benyounès et Bouchouareb à propos de Peugeot en Algérie, ruinent toute la crédibilité d'un plan de gouvernance et renseignent sur une discordance des violons au plus haut de la pyramide décisionnelle. Sinon comment expliquer que le gouvernement annule ou gèle des circulaires sans pour autant donner des explications convaincantes à l'opinion publique.