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Antisémite, dites-vous !

par Moncef Wafi

L'Algérien est-il un antisémite notoire et un raciste patenté ? Oui si l'on croit les Américains. On est un pays qui arbore un svastika sur son drapeau et qui porte des cagoules blanches pour sortir en boîte. Selon le rapport annuel du département d'Etat américain sur les libertés religieuses, les Algériens sont un moins chouia tolérants envers leurs frères chrétiens et affichent ouvertement leur antisionisme, antisémitisme dans le verbe accusateur de Washington.

Qu'à cela ne tienne ! La réponse de l'Algérie, comme à chaque occasion où un rapport la pourfend, est de crier à la vierge effarouchée. Mais à force de prêter un flanc aussi large que les Champs-Elysées multipliés par mille, on finit toujours par se faire rattraper par la patrouille. Les Américains, dans leur audit-chantage, s'appuient sur certaines ONG pas plus représentatives qu'un comité de petit quartier, sur des personnalités soucieuses avant tout de leurs intérêts personnels et sur des réseaux sociaux aussi sanguins que l'orange de Barigou. Un espace d'expression qui lâche la bride aux commentaires les plus extrémistes des Algériens qui réagissent sur le vif aux vidéos des soldats sionistes en train d'assassiner des civils palestiniens désarmés.

Sur le moment, la raison est balayée d'un clic et place à l'émotion en live. On ne fait plus alors de distinction entre antisionisme et antisémitisme et l'Algérie de se faire épingler, avec des complicités internes, sur cet aspect. Notre propos n'est pas de dédouaner le gouvernement, loin de là, mais de remettre les choses dans leur contexte. La loi algérienne est claire, si elle défend les libertés religieuses, elle interdit par contre toute forme de prosélytisme. L'offense à l'islam et à la personne du prophète y est également proscrite, alors pourquoi crier au meurtre quand la loi est appliquée. Mais à sa décharge, le gouvernement en réduisant les libertés individuelles participe à ce sentiment vu de l'extérieur d'entraves à toutes les libertés fondamentales.

Le rapport annuel d'Amnesty International pour 2015 dressait un tableau sans concession sur la situation des droits de l'homme en Algérie. Restriction de la liberté d'expression, d'association et de réunion, interdiction des manifestations pacifiques et arrestation de militants, droits des femmes, système judiciaire et impunité sont cités pour preuves. Le rapport se base sur des faits établis, vérifiés, des comptes rendus de la presse ou encore des communiqués des acteurs mêmes des événements. Le seul tort de ces rapports accablants que ce soit pour la corruption, le climat d'affaires, les droits de l'homme ou le bon vivre est à mettre, qu'on le veuille ou pas, à l'actif de nos gouvernants. Emprisonner un caricaturiste, des chômeurs qui manifestent pacifiquement ou un militant des droits de l'homme pour délits d'opinion est grave.

Nos dirigeants doivent savoir, et ils le savent mieux que quiconque, que l'Algérie ne se trouve pas sur Pluton et qu'elle est comme une maison en verre où tout le monde peut jeter un coup d'œil sur son arrière-cour. Alors il ne faut pas jouer aux offusqués quand une ONG, même limite, nous cloue au pilori et nous renvoie à nos propres erreurs. Les rapports se succèdent et ils finiront bien par avoir notre peau un jour ou l'autre.