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La tolérance zéro, l'Algérie connaît pas

par Moncef Wafi

L'achèvement des constructions individuelles et leur mise en conformité avec la loi 08-15 du 20 juillet 2008 illustre, derechef, cette gestion tout algérienne des dossiers «sensibles» laissés en jachère pendant des années, histoire de gagner du temps sur la paix sociale.

L'empressement zélé des pouvoirs publics à en finir au plus vite avec ces excroissances urbanistiques, qui sont plus près des constructions en pâte à modeler que d'une architecture lisible, contraste singulièrement avec ce laxisme affiché pendant presque une décennie.

Si l'Etat préfère parler de délais, les faits eux penchent vers un laisser-aller scandaleux dans la gestion de ce dossier. Comment peut-on menacer un citoyen de démolir son habitation, quel que soit son aspect, puisqu'en amont on l'a laissé faire ? La responsabilité incombe aux représentants du pouvoir central, les élus locaux en tête du cortège, qui malgré la loi ont continué à laisser les citoyens ériger des habitations semi-finies avec le parpaing nu comme façade. Peut-on décemment les condamner pour cela ? Parfois, le manque d'argent entrave les travaux alors que dans d'autres cas la mauvaise foi des propriétaires est mise en cause.

Qu'à cela ne tienne ! Les explications du gouvernement ne tiennent pourtant pas la route puisque la logique de bonne gouvernance aurait voulu que l'Etat intervienne en début de cycle pour enrayer cette mécanique du chaos architectural. De délai en prorogation, le sentiment d'impunité, encore lui, a pris la place du respect de la loi et devant l'absence de réactivité des pouvoirs publics, on a continué à construire à tout va. Ne respectant ni règle urbanistique ni logique architecturale, sans parler des normes parasismiques, des habitations en cubes sont sorties de terre sans que cela ne choque personne.

Les menaces de Tebboune, le ministre de l'Habitat, appelant à l'application stricte de la loi en assumant les conséquences qui peuvent en découler ont ce quelque chose de pathétique qui colle inlassablement aux décisions du gouvernement Sellal. Le ministre sait pertinemment que la loi en Algérie n'obéit qu'aux impératifs de la gestion de la rue et malgré ses textes clairs, son application reste suspendue à l'air du temps. Ce dossier rappelle outrageusement celui de l'informel qu'on a laissé jusqu'à s'enraciner dans la culture populaire et économique du pays avant de se décider à l'enrayer. Malgré les chiquenaudes données aux commerçants de l'informel, l'économie parallèle n'a jamais vécu de beaux jours que sous ce gouvernement. L'absence de la tolérance zéro, seul dépositaire de l'application stricte de la loi, a fait que l'Algérie frôle les catastrophes sociales à chaque traitement de dossiers aussi vieux que l'indépendance.