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L'autre handicap

par Moncef Wafi

Les véhicules aménagés pour handicapés seront prochainement exonérés de taxes, a déclaré la ministre de la Solidarité. Une bonne mais limitée nouvelle aux seuls handicapés qui peuvent se payer un véhicule aménagé alors que leur grande majorité se débat dans les problèmes du quotidien. Outre le handicap physique ou mental, ils vivent dans un pays où l'Algérien moyen jouissant de toutes ses facultés a du mal à s'en sortir. Mais dans l'esprit mercantile du gouvernement, cette suppression de taxes sur ces véhicules destinés aux personnes exclusivement aux besoins spécifiques est une sorte de compensation à la révision de l'allocation de solidarité reportée sine die pour cause d'austérité. Une pension qu'on avait promis de ramener à 8.000 DA.

Le statut de handicapé en Algérie est plus qu'un défi. Une négation citoyenne aux yeux de l'Etat qui a trop souvent tendance à oublier leur existence au moment de construire une administration publique ou de rénover les trottoirs. Des petites attentions aux conséquences lourdes. En effet, ne pas mettre en place des accès aménagés aux handicapés, c'est leur interdire de vivre leur citoyenneté à part entière. Et que dire des conditions de vie en général ? Les transports en commun n'offrent aucune possibilité aux personnes à mobilité réduite d'embarquer au même titre que les lieux de loisirs. En Algérie, rien n'a été fait pour cette catégorie spécifique de citoyens qui attendaient avec impatience la revalorisation de cette pension de la honte. Mais que faut-il s'attendre d'un pays où un député, vice-président de l'APN de surcroît, qualifie un autre député de handicapé comme si c'était une insulte.

En Algérie, ils sont plus de deux millions, certains évoquent jusqu'à près de six millions de handicapés vivant dans des conditions extrêmes. Si tous les 14 mars on les sort du formol pour les exhiber et louer le gouvernement pour ses efforts déployés, le reste de l'année ils végètent à la recherche désespérée d'un boulot, d'un toit, d'un statut de citoyen à part entière. La ministre Mounia Meslem ne s'est pas trompée en indiquant que le problème n'est pas dans les textes mais dans leur application sur le terrain. Comme toujours. Si la loi est claire, l'interprétation est souvent subjective aux seuls torts des handicapés.

L'Algérie, forte d'une législation avancée en faveur des handicapés, reste pourtant l'un des pays où il ne fait pas bon vivre lorsqu'on est amoindri. En 2002, une loi relative à la promotion et à la protection des personnes handicapées a été votée, mais les décrets d'application n'ont pas encore été tous publiés. L'article 5 de cette loi prévoit par exemple que «les personnes handicapées sans revenu bénéficient d'une aide sociale qui se traduit par une prise en charge et/ou une allocation financière». Mais allez donner 4.000 DA par mois à un ministre et dites-lui de vivre avec. La question n'attend certainement pas de réponse et ce n'est pas avec une faveur pour certains handicapés nantis qu'on va résoudre les problèmes d'une société plus handicapée qu'il n'y paraît.