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Poser les véritables questions

par Moncef Wafi

Alors qu'il reste moins d'une semaine pour la fin du Ramadhan, la polémique sur la date de l'Aïd refait surface. Comme chaque année. Pour ne pas déroger à la règle, l'Algérie assiste à une confrontation inutile entre les partisans du visuel traditionnel et les modernistes se basant sur des calculs astronomiques et autres équations lunaires.

Conservateurs vs progressistes, ils ont fini par fatiguer tout un peuple via leur communiqué indiquant telle ou telle autre date pour le début du mois de jeûne ou celui de l'Aïd. Cette rivalité stérile qui n'a que trop duré doit laisser place à un débat plus sérieux autour de ce mois et de ses préceptes loin de la polémique oiseuse. La priorité de ce mois est de comptabiliser ce qu'on doit faire et éviter de faire et à la fin de dresser le bilan de nos activités. Le Ramadhan a malheureusement perdu de son essence même dans un pays qui privilégie l'emballage sur la valeur du produit. Qui donne raison à celui qui crie le plus fort, qui gesticule le plus longtemps et qui ment durablement.

Ce mois de piété a été dévolu pour devenir synonyme d'une paresse institutionnalisée, de vol à l'étalage, de violence sous toutes ses formes. L'acte même de dévotion est devenu une vitrine. Notre propos n'est nullement de dénigrer ou d'offenser qui que ce soit mais d'engager un débat d'utilité publique plus important que ces à-côtés qui polluent la société. Le gaspillage nourri par une course effrénée pour les achats, une concurrence pour avoir les habits de l'Aïd les plus onéreux et les plus chics quitte à s'endetter, les signes extérieurs d'une richesse mal acquise, par procuration ou factice sont des fléaux sociaux qu'il faut dénoncer et combattre.

La fraude pendant ce mois atteint tous les records et l'Algérien devient par la force de la cupidité et de l'envie un monstre au visage humain. Le tout allègrement expliqué par les effets du jeûne et du manque de sommeil. Le Ramadhan devient, aux yeux d'une partie de la population, un mois de farniente, de fainéantise et de dépassements. Pas de soi mais des règles sociales et des lois de la République. Pour arriver à temps à la table de la rupture du jeûne, on n'hésite pas à écraser le champignon et un ou deux piétons au passage. Pour avoir sa part de zlabia ou de chamia, on joue des coudes à l'heure où on est censé être encore à son poste de travail et on passe la journée à ronfler et la nuit à se distraire. La priorité n'est pas de savoir quand prendra fin le Ramadhan mais de savoir réellement pourquoi on a jeûné.