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Le carnage au bout d'une calandre

par Moncef Wafi

Le carnage de la RN23, à Laghouat, un de plus sur les routes de l'Algérie, laisse l'opinion publique sans voix. Entre dénoncer ou se résigner, les Algériens n'ont plus d'autres choix que de se révolter contre ces meurtriers au volant. On a beau écrire et s'indigner, la route tue encore et toujours. De plus en plus d'Algériens viennent gonfler les statistiques morbides du macadam sans que personne ne puisse faire quelque chose. Ces 33 morts le seront inutilement parce que le gouvernement a d'autres priorités et que ces actes de décès sont délivrés pour les enfants du peuple. Un peuple qui n'a plus que ses yeux pour pleurer et ses doigts pour compter les linceuls qui fleurissent sur les routes de l'Algérie profonde en autant de chrysanthèmes inutiles et périssables. La responsabilité de tous est engagée au quotidien dans cette lutte parce que la route tue inlassablement. Chaque jour. Chaque heure, des deuils, des familles brisées, des destins volés quelque part dans ce désert de bitume alors que le gouvernement continue de pérorer inutilement sur les actions à entreprendre. On ne peut pas décemment demander aux services de sécurité d'être derrière chaque conducteur, de sillonner H24 les routes pour débusquer les fous au volant. Vers qui se tourner alors ? Les campagnes de sensibilisation ont montré toutes leurs limites de même que pour la politique répressive contre les mauvais conducteurs. Même si cette violence au volant fait partie intégrante du génome humain et plus particulièrement dans le comportement des Algériens, il n'en demeure pas moins que des solutions urgentes doivent être proposées. Et ce n'est certainement pas le permis à points ou le durcissement des amendes qui épargneront la vie des Algériens. Le mal est connu et l'origine de ces drames précisée : autobus contre camions pour des morts en vrac. Des bilans record qui font froid dans le dos. Les textes existent mais leur application a été remisée à plus tard, beaucoup plus tard pour on ne sait quelle raison. La pose des chronotachygraphes, ces fameux mouchards qui devaient, selon les promesses des ministres des Transports alors en poste, équiper « prochainement » les bus et les camions, devra être un début de solution. Pas la solution, mais cela évitera d'avoir des zombies au volant, responsables de la vie de dizaines de passagers derrière eux. L'heure est d'autant plus grave que la majorité des Algériens voyagent par route, le prix de l'avion étant inaccessible pour tous. La responsabilité du ministre des Transports, du gouvernement et du Premier ministre est entièrement engagée d'autant plus qu'ils ne voyagent pas à bord d'autobus derrière un chauffeur fatigué par les milliers de kilomètres avalés. L'Algérie ne s'est jamais offert les moyens de sa politique en ce qui concerne la prévention routière et ce ne sont pas ces spots publicitaires médiocres et d'un autre âge qui y changeront grand-chose. M. Talaï sera-t-il plus coupable que Ghoul ou Tou qui n'ont rien fait, que promettre, en rendant publiques des initiatives restées lettre morte ?

Si théoriquement les responsables de ces accidents sont connus et livrés à la vindicte populaire, d'autres responsabilités devront être cernées et mises à nu pour nous expliquer pourquoi on a laissé faire cela sans s'inquiéter outre mesure. Au-delà des constats impuissants, il est grand temps que les routes algériennes cessent d'être un cimetière asphalté.