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Zighoud Youcef, un microcosme algérien

par Moncef Wafi

Zighoud Youcef est le représentant de cette Algérie divisée entre une population excédée, aux portes de l'explosion, et un pouvoir dont les représentants omnipotents jouent au Tout-Puissant. Ce qui s'est passé à Zighoud Youcef, une commune, chef-lieu d'une daïra de Constantine, cristallise à lui seul ce divorce avec pertes et fracas entre citoyenneté et régime policier. Refusant l'ouverture d'un centre d'enfouissement technique, qui n'est autre qu'une vulgaire décharge publique à ciel ouvert dans la nomenclature algérienne, les habitants qui ont vivement dénoncé ce projet auprès des autorités locales, wali et chef de daïra en tête de liste, ont été réprimés par les forces de l'ordre.

Au lieu de privilégier le dialogue et apaiser les esprits, les commis d'Etat ont fait preuve d'une autorité manifeste au mépris de l'opinion publique. Forts des matraques officielles, ils ont préféré passer leur CET en force sans consultation préalable des premiers concernés. La violence ainsi attisée, l'incendie du domicile du chef de daïra, le représentant le plus accessible du pouvoir central, est le point d'orgue d'un conflit qui risque de déborder. Un différend qui aurait pu, dû être réglé dans un cadre responsable mais qui a dérapé faute d'un autoritarisme local qui a tenu à aller au bout de ses idées les plaçant au-dessus de la volonté populaire.

Selon la presse, l'opposition des habitants de la commune, qui s'est manifestée pacifiquement à plusieurs reprises -le CET étant réalisé sur des terres agricoles-, s'est heurtée au refus du wali qui avait répondu, en novembre 2015, à la population qu'il ira au bout de son projet. Une attitude qui a mis finalement le feu aux protestations citoyennes et obligé l'autorité civile à appeler en renfort les services de sécurité pour rétablir l'ordre et disperser les foules contestatrices à coups de gaz lacrymogène et d'arrestations. L'exemple de la commune de Zighoud Youcef n'est pas unique et il a tendance à se répéter pour d'autres raisons. N'importe quelles raisons. Mal-vie, développement local, logement ou chômage, les prétextes à manifester ne manquent pas dans cette Algérie dont le gouvernement n'a d'autres réponses à donner aux Algériens que de leur envoyer les forces antiémeutes réprimer toute action pacifique. Les exemples des enseignants contractuels, des blouses blanches, des gardes communaux?, ne sont pas si loin de nous.

Cette propension à museler les manifestations pacifiques a été dénoncée par Amnesty International qui a épinglé Alger sur ce point, l'appelant à cesser ces pratiques. Pourtant, la liberté de manifester est clairement consacrée dans la nouvelle Constitution, au même titre que toutes les libertés, alors que Ouyahia et dans sa tournée promotionnelle des nouveaux textes avait affirmé que toutes les manifestations n'ont jamais été interdites. Pourtant, la réalité est tout autre puisque nombreux sont les marches et sit-in «pacifiques» qui ont été dispersés à coups de matraque.