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Le chantage au toit

par Moncef Wafi

Véritable casse-tête pour l'Etat, la crise du logement ne risque pas de s'estomper de sitôt malgré les dernières assurances du ministre de l'Habitat, Tebboune, qui a affirmé que l'Algérie en a presque fini avec ce dossier. Pourtant, et malgré les opérations de relogement, quasi quotidiennes, enregistrées dans tout le pays, et particulièrement à Oran, la pression des demandeurs ne cesse de croître sur les autorités locales. Les débuts d'émeutes sur fond de demandeurs d'un toit font craindre le pire, à chaque fois que les mécontents ou les laissés pour compte du logement sortent dans la rue.

 Ainsi et en réponse aux familles relogées, d'autres manifestent bloquant la voie publique. Hier, c'était au tour de Boulanger de prendre le relais de Plateau qui, lui, a succédé aux protestations d'El Hamri, Médioni, Sid El Houari. C'est dire que la contestation fait tâche d'huile réduisant à néant les efforts du gouvernement. La faute à qui ? A l'Etat providence qui a privilégié de toute manière l'assistanat à une politique sociale cohérente dépouillée de tout calcul politicien. Le logement, et cela n'échappe à personne, a de tout temps été instrumentalisé à l'approche des échéances électorales. Un outil de chantage pour délit d'opinion exercé sur une population peu regardante sur le prix à payer. Election présidentielle ou communale, le chantage au logement a toujours fait recette.

 Aujourd'hui, on en est arrivé à exiger un logement comme un droit divin parce que tout le monde en a bénéficié, à commencer par la classe des apparatchiks et leurs cours. Le citoyen lambda exerce lui aussi, à son tour, une forme de pression sur le pouvoir. Un logement sinon je descends dans la rue, je mets le feu à des pneus et je caillasse les forces de l'ordre. Voilà en substance le message, loin d'être subliminal, de la rue. Un toit ou l'émeute. La crise du logement en Algérie ne se résorbera jamais tant que les intérêts personnels rentreront en ligne de compte. Corruption, passe-droit, dépassement et arbitraire ont de tout temps accompagné l'établissement des listes de bénéficiaires de logement dans une grande ville ou dans un coin perdu de l'Algérie rurale. Par la faute de gestionnaires peu scrupuleux, d'élus suspects et de représentants de l'Etat central malveillants, la distribution de logements a été sujette à des manifestations populaires réduites au silence par la force des matraques. On parle de recours, d'enquête et de contre-expertise mais rarement on a mis en cause un haut cadre de l'Administration dans ces affaires. A croire qu'il n'y a personne derrière les listes trafiquées. Reste que la question du logement fera encore parler d'elle tant que l'Etat n'aura pas pris les mesures adéquates pour assainir le secteur même s'il faut pour cela fermer la rue.