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Mort programmée de la presse écrite

par Zahir Mehdaoui

L'Algérie, à l'instar du reste du monde, célèbre aujourd'hui la Journée internationale de la liberté d'expression. Comme l'année dernière, les autorités vont clamer que le pays dispose d'une presse libre et qu'aucun journaliste n'a été mis en prison pour ses écrits. Parallèlement à cela, les journalistes vont dénoncer encore une fois, à travers des communiqués, leurs conditions socioprofessionnelles extrêmement difficiles et vont certainement être accusés, par tous ceux à l'abri du besoin, de verser dans le « misérabilisme ». Des cérémonies mondaines seront organisées en l'honneur des médias et tout le monde passera encore une fois à côté de l'essentiel.

Le lendemain, soit le 4 mai, le jeu reprendra. Des membres du gouvernement vont ressasser leurs histoires autour de l'éthique tout en bloquant toute velléité de mettre sur pied un conseil d'éthique et de déontologie qui n'est pas « contrôlable » et de l'autre côté le journaliste, ce mal-aimé, reprendra sa mission d'information sans trop se faire d'illusions. Mais le véritable danger réside désormais dans le fait que des journaux commencent à disparaître. Même si la « décantation » doit absolument se faire pour séparer le bon grain de l'ivraie, il n'en demeure pas moins que des emplois disparaissent tous les jours depuis deux années. C'est la saignée au sein de la presse écrite et ce nouveau phénomène est loin d'être circonscrit.

Sans être défaitiste, des jours sombres attendent la presse écrite. Ce n'est pas un problème de contenu. Il existe des journaux de référence en Algérie qui n'ont rien à envier à certains « référents » d'outre-mer. L'Algérie est l'un des rares pays au monde à inscrire la liberté d'expression dans sa Constitution. En théorie, l'Algérie est un modèle à suivre. Mais en réalité, tout cela n'est qu'une vitrine. L'Algérie est l'un des rares pays au monde à transgresser ses propres lois pour ce qui est notamment des médias. Les exemples sont légion, en particulier ces trois dernières années.

Le pluralisme médiatique tel que conçu et pensé au lendemain des événements d'Octobre 1988 est aujourd'hui réellement menacé. La politique de deux poids, deux mesures exercée sur les médias et le viol systémique des lois ont fini par emporter plusieurs journaux. En fait, c'est la mort programmée de la presse écrite. Cette dernière avait constitué un véritable rempart contre le terrorisme islamiste dans les années 1990 et un vrai contre-pouvoir à la fin de la décennie noire. En l'absence de règles sur la concurrence claires et de lois applicables à tous les supports sans distinction, la presse algérienne qui a payé un lourd tribut va droit vers la tragédie et ce n'est pas la Journée internationale de liberté d'expression qui va changer grand-chose.