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A L'OMBRE DES COFFRES-FORTS

par M. Abdou Benabbou

On a contraint la montagne d'accoucher d'une souris. Sans césarienne à l'anglaise pour un fœtus qui germe avec des menottes. La fin des tribulations orageuses de Chakib Khelil ne ressemble en rien à celle qui a jeté Abdelmoumen Khalifa au fond des cachots de Serkadji. Les mouvementées péripéties qui ont obligé l'ancien ministre de l'Energie à fuir à l'étranger ne sont qu'une parallèle d'une culture opaque dans la gestion des secteurs stratégiques.

Tout porte à croire que Khelil n'a été qu'un autre pion pris au piège dans l'engrenage de ce que l'on appelle la raison d'Etat, extirpée d'un tiroir toujours avec le ton grave et solennel avec lequel on veut vêtir le secret. Des sources très sûres chuchotent qu'il n'a été qu'un postier-facteur chargé de huiler une opération particulière dans l'intérêt du pays. Chakib Khelil en serviteur discipliné a ordonné une colossale entorse à la loi et aux procédures légales mais il ne l'a fait qu'avec un clin d'œil seulement.

L'usage des grimaces transcrites à l'encre invisible qui ne laissent pas de traces à ce haut niveau de l'Etat est une arme universelle, souvent maniée par de nombreuses démocraties établies. Elle permet le marchandage dans l'ombre des canons et des avions. Sa gestion est toujours laissée entre les mains de cow-boys cravatés. Des sacs d'ordures des palaces, ils ont l'art de soutirer des odeurs de jasmin. Ils peuvent s'appeler Bedjaoui ou Rachid Casa et la mise en branle des humeurs versatiles des Cours des comptes et des tribunaux obéit souvent à l'air du temps. Quand la justice n'est pas indépendante, les justificatifs chiffrés en dollars se réfèrent aux luttes des sérails et se transforment en gommes pour effacer les intrus.

On n'est pas tenu d'avaler des justifications servies à demi-mots lourds mais l'on est tenté de retenir en regardant d'un bon œil toutes les procédures qui ont accompagné cette affaire, que la méthode décriée aujourd'hui grâce à l'aisance que s'accordent les médias ne date pas d'hier. Sans doute est-ce là l'héritage discutable légué par la Révolution de Novembre qui s'est aussi manifesté dans les aides apportées à l'ombre des coffres-forts aux mouvements de libération il n'y a pas si longtemps.

Chakib Khelil ne serait alors qu'un autre petit acteur de l'exercice du secret.