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Non au rapatriement de terroristes français en Afrique !

par Habiba Chabou

Dans ses travaux sur le banditisme social qui agita la Pales tine au 1er siècle avant l'ère         chrétienne, l'historien des religions, Richard A. Horsley qualifia les mouvements qui soulevèrent une partie de la population juive de Judée, de terroristes, comme l'atteste l'attentat commis en 25 av. J.-C. au théâtre de Jérusalem, tout à la fois lieu hautement politique et expression éminente du sentiment populaire. Ainsi, mutatis mutandis, cet épisode démontre tout autant la réactivation dans sa forme la plus violente de l'équation politique/religion que l'invalidité de l'analyse trop féconde d'une conception déterministe des musulmans, par essence porteurs de dangers... en fait, aux prises quotidiennement à la menace terroriste.

En France, l'année 2015 apparaît comme une nouvelle «année terrible» favorisant le retour de la propagande raciste avec une inflation discursive dans une sorte d'avidité mortifiante au point de nier ou à tout le moins de reconsidérer l'identité française des musulmans de France.

Devant la vitalité du nationalisme dans le pays, la question du rapatriement de terroristes déchus de la nationalité française fait l'objet d'un consensus tant dans les milieux politique et médiatique que dans l'opinion publique française, tandis que les pays africains se voient assigner le triste rôle de dépotoir de l'Occident... à l'évidence, un coup de grâce porté à un continent déjà sévèrement marqué par la nébuleuse terroriste.

La montée du terrorisme favorise la convergence entre politiques et journalistes qui se saisissent de ce contexte pour promouvoir, à grand renfort de fracas et d'injures vomitives, l'idée d'un rapatriement de terroristes français en Afrique. Dans le même temps, c'est avec un cynisme éhonté que ces mêmes milieux encouragent, prêchi prêcha, l'érosion des élites africaines dans le cadre sélectif de l'immigration choisie participant ainsi de l'émergence d'une société de contrôle au sens du philosophe Gilles Deleuze.

Faut-il finalement s'étonner de cette (im)posture néo-coloniale?

En effet, l'Afrique demeure, pas seulement pour les nostalgiques de la chicotte et des signares suaves, l'horizon colonial des Occidentaux. Ainsi, le projet de rapatriement de Français en Afrique s'inscrit, à plus d'un titre, dans le sillage des transportations en direction des bagnes d'Algérie, de Guyane et de Nouvelle-Calédonie durant environ un siècle, précisément entre les années 1840 et 1945.

Par ailleurs, c'est entre 1852 et 1853, que le Seconde Empire instaura la «chasse aux insurgés»: ainsi, près de 27 000 personnes sont arrêtées dont un grand nombre, déportés en Algérie, avant l'adoption de la loi de sûreté générale le 27 février 1858.

Le philosophe Michel Foucault avait analysé, pour la période napoléonienne, le passage de la société de souveraineté à la société disciplinaire qui se constituait par des lieux d'enfermement comme les bagnes, mais également, les prisons, les ateliers, les écoles et les hôpitaux.

En somme, le projet de déchéance de nationalité et l'un de ses corollaires, le rapatriement de terroristes français en Afrique, témoignent de l'affirmation d'une société disciplinaire. Insistant sur le caractère inédit de cette «année terrible», les fondés du pouvoir médiatiques, insulte contre insulte, justifient l'adoption de mesures «scélérates», qui compriment les libertés fondamentales, au nom de la défense des valeurs républicaines et de l'ordre social face à l'ennemi intérieur incarné par le musulman par essence dangereux. Or, cette approche externaliste, survalorisant les facteurs exogènes dans la violence de ces derniers mois, perd son autorité devant l'analyse de l'activité terroriste sous la IIIe République, eu égard à la bombe déposée par l'anarchiste Auguste Vaillant à la Chambre des députés le 9 décembre 1893 suscitant l'adoption de mesures de répression, ou encore l'agression du président Émile Loubet aux courses hippiques d'Auteuil le 4 juin 1899.

Devant les projets unilatéraux des Occidentaux, les Africains souverains, outrés par les mesures vexatoires et les ambitions voraces des néo-latins, refuseront toujours de voir leur continent, ni livide ni cadavérique, réduit au mépris et, partant, devenir le nouveau bagne de l'Occident.

Ainsi, sortons l'Afrique des représentations exotiques et orientalistes par le refus intangible de relents à la teinte néo-coloniale et, aussi, disons-nous fermement: non au rapatriement de terroristes français en Afrique ![1]

1- https://www.change.org/p/habiba-chabou-non-au-rapatriement-de-terroristes-français-en-afrique