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RETOUR AUX SOURCES

par Mahdi Boukhalfa

Fin 2015, l'Algérie s'installera, dans le sillage de la contraction depuis deux ans des prix du pétrole, en plein dans les déficits. Durablement ? La conjoncture économique est difficile, contraignante. A fin octobre dernier, le déficit commercial était de plus de 10 milliards de dollars, la balance des paiements connaîtra la même tendance, les réserves de change et l'autre bas de laine qu'est le Fonds de régulation des recettes (FRR) diminueront inéluctablement, et les exportations de brut ne pourront plus, du moins dans les 12 prochains mois, assurer les équilibres budgétaires.

Fatalement, et à défaut d'une industrie performante, tout le monde se tourne aujourd'hui vers l'agriculture, un secteur perçu par beaucoup, dont le gouvernement Sellal, comme la bouée de sauvetage. Au pays de la Désirée, Aïn Defla, où il a effectué une visite de travail jeudi dans le prolongement du 41ème anniversaire de la naissance de l'UNPA, le Premier ministre a pratiquement appelé les Algériens à se mobiliser pour affronter l'arrivée des mauvais indicateurs économiques. Pour ne pas dire la récession, déjà à nos portes. Avec un brut jouant au yo-yo autour des 40-45 dollars le baril, il est clair que le choc sera terrible pour l'économie algérienne.

Seule solution, le retour à la Mère nature, l'agriculture étant dans l'état actuel des indicateurs macroéconomiques la seule bouée de sauvetage viable. Un secteur qui produit, qui vend et qui exporte. Un triptyque que ne peut se targuer de réaliser le secteur industriel qui, depuis au moins 30 bonnes années, a bénéficié de toutes les sollicitudes de l'Etat, avec des plans de redressement adossés à des centaines de milliards de dinars. Sans résultats, puisque sur les insignifiants 2 milliards de dollars d'exportations annuelles hors hydrocarbures, la moitié est réalisée par les expéditions de produits agricoles, dont les produits du terroir (huile d'olive, dattes), le reste par les demi-produits d'hydrocarbures. Il n'est dès lors pas étonnant que le gouvernement classe l'agriculture comme la priorité des priorités dans l'émergence d'une économie alternative.

Avec ses effets d'entraînement sur les autres secteurs dont l'industrie de transformation, mais également l'industrie lourde pour améliorer la mécanisation du secteur, les services et la technologie, le secteur agricole peut être le moteur de la croissance pour l'Algérie. Il est même capable de produire d'excellents résultats, améliorer les expéditions et mettre un terme aux importations agricoles, mais encore faut-il sortir des schémas éculés. Car par les chiffres, le secteur fait mieux que l'industrie: il a contribué de 10% au PIB du pays en 2012 et 9% avec le secteur de la transformation en 2013, et employé quelque 2,4 millions de personnes, soit le cinquième de la population active totale. La valeur de la production agricole en 2013 a atteint les 23 milliards d'euros, alors que la croissance a été de 8,3% entre 2010 et 2014, contre une moyenne de 6% entre 2000 et 2008.

Dans la situation actuelle, un plan Marshall aurait été plus indiqué pour sortir le pays de la dépendance des hydrocarbures. Avec un peu plus de soin, d'intérêt des milieux d'affaires et des investisseurs, l'agriculture, même si elle reste otage de certaines méthodes de gestion ?'médiévales'', avec de honteux taux de rendement pour les céréales, inutile de les citer ici, qui n'ont pas changé depuis la colonisation, peut être plus qu'une bouée de sauvetage. Et mieux qu'une simple alternative aux hydrocarbures. Un retour aux sources, en fait, car la prospérité des pays les plus riches du monde est d'abord assurée par l'agriculture. A commencer par les Etats-Unis.