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L'ECOLE ALGERIENNE MANGEE PAR LA VIOLENCE

par Yazid Alilat

La violence à l'école inquiète et devient par la fréquence alarmante des incidents de ces dernières semaines une source de profonde inquiétude quant à cette dérive de l'éducation nationale, à un moment où le secteur a pratiquement pris la part du lion dans le budget 2016. Des écoliers sont agressés dans et près des écoles, quand ils ne sont pas assassinés, des voyous squattent les abords des établissements scolaires, des élèves frappent des enseignants qui en retour pratiquent la loi du talion.

L'école algérienne est dans un tel état de délitement, d'extrême abandon qu'il est quasiment impossible de la redresser dans les dix ou quinze prochaines années. C'est un traitement de choc radical qu'il lui faut d'abord pour moraliser cette profession, ensuite lui redonner ses lettres de noblesse par le juste retour de ses valeurs, mangées par cette aveuglante course au gain, que ce soit par le recours systématique et scandaleux parfois aux grèves pour revendiquer des augmentations de salaires, soit par ce système bâtard des cours de rattrapage qui fait courir nombre d'enseignants à travers le pays. C'est à croire que durant le reste des périodes scolaires les enseignants ne font que signaler leur présence aux classes, attendant les fins de semaines pour, cette fois-ci, expliquer aux élèves ce qu'ils n'ont pas compris durant les séances pédagogiques normales. Et ce système dégradant est accepté par tous à commencer par le ministère, puisqu'il n'a pas osé jusque-là y mettre un terme, à l'instar du ministère de la Santé pour les médecins qui travaillaient plus dans le privé que dans des structures hospitalières publiques.

L'exemple le plus alarmant de cette déliquescence qui enveloppe le secteur de l'éducation nationale est cette propension à la hausse de la violence dans les écoles algériennes, où des élèves, des enfants sont tués, où ils sont brimés par leurs enseignants, où ils apprennent à avoir peur, à défaut d'apprendre à entrer par la grande porte dans la vie. La violence ambiante dans la société algérienne peut-elle dès lors s'expliquer par cette dérive qui a pris à la gorge le système éducatif national, au point que de hauts responsables de ce secteur ne trouvent pas jusqu'à présent de solutions radicales, définitives, durables ? A l'évidence, l'école est devenue otage d'abord de ce comportement intolérable d'enseignants qui battent et punissent les élèves tout autant que ces énergumènes qui font la loi, au vu et au su de tous, en dehors des établissements scolaires.

C'est là un signe évident d'un échec impardonnable du système éducatif national tel qu'il est, de cette perte de la pédagogie, de cette dérive morale et psychologique de la société, du corps enseignant qui a oublié que sa mission c'est éduquer et non recourir à des méthodes condamnables pour mettre au pas des élèves souvent sans défense. Mais, le fait est que la violence dans les écoles algériennes n'interpelle pas seulement le secteur de l'éducation, mais tout son environnement, à commencer par les syndicats, les parents d'élèves, les collectivités et institutions. L'école algérienne est devenue dans bien des cas un cuisant échec, ce qui a été d'ailleurs reconnu par les cadres du ministère.

Le système éducatif actuel a montré ses limites, ses affreuses faiblesses, car au-delà du phénomène de la violence, il y a celui plus grave de cette pédagogie qui ne produit pas des cadres, qui ne forme plus sur la base des standards internationaux, accentuant le «gap» éducationnel par rapport au reste du monde. Et puis ce chiffre effrayant de 25.000 cas de violence dans les établissements scolaires enregistrés en 2007, le seul chiffre qui a été annoncé du bout des lèvres par un conseiller au ministère. Et depuis ? Un gros chantier attend la ministre de l'Education nationale.