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Bousculade Mina, la faute à personne

par Moncef Wafi

L'Algérie n'accusera pas l'Arabie Saoudite d'avoir mal géré cette saison du hadj, sur fond de la mort de plus de sept cents personnes dans la bousculade de Mina, selon le dernier bilan provisoire.

Côté algérien, on déplore 18 morts, 23 blessés et 49 hadjs n'ayant pas donné signe de vie. Avec cette position, Alger exclut de s'immiscer dans la polémique qui a éclaté autour de la réorganisation du cinquième pilier de l'Islam. Ne dérogeant pas à sa politique de retenue, d'autres l'appelleront non-ingérence, l'Algérie, par la voix de son ministre des Affaires religieuses, a également indiqué qu'elle ne profitera pas de cet accident pour en tirer des dividendes politiques alors que Ryadh ne cesse de provoquer, à chaque occasion, l'Algérie. Mohamed Aïssa évoquera l'enquête des autorités saoudiennes sur le dossier affirmant attendre ses résultats. Il dira également, à propos de la catastrophe de Mina, qu'il craint qu'elle ne soit exploitée à des fins purement politiciennes faisant certainement référence à la position iranienne.

En se positionnant, ou en ne se positionnant pas sur ce dossier, Alger essaye de ne froisser ni les Iraniens encore moins les Saoudiens dont le contentieux est plus que jamais exacerbé par tout ce qui se passe dans la région, les dossiers du Yémen et de la Syrie, en tête de pont. Pourtant, et avec la politique agressive des Saoudiens en direction des pays qui ne soutiennent pas et condamnent le wahhabisme intégriste, l'Algérie devra tôt ou tard trancher dans ses relations avec les Al Saoud. Se positionnant courageusement contre l'avis général d'une Ligue arabe fantoche favorable pour une agression de la coalition armée arabe contre le Yémen, Alger a publiquement désavoué Ryadh.

Si cet épisode est dans le rétroviseur, la menace directe d'une intervention militaire saoudienne en Syrie pour renverser Bachar El Assad et placer les groupes armés, qu'elle finance, au pouvoir devra faire réagir l'Algérie qui ne pourra plus se cacher derrière ce mur de non-ingérence. Car tout le monde l'aura compris, entre les deux pays ce n'est pas vraiment l'amour fou et si l'Algérie y met les formes, Ryadh, elle, ne s'embarrasse pas de fioritures. Wikileaks a mis en ligne les correspondances de la représentation diplomatique du royaume wahhabite en Algérie où on y retrouve, entre autres révélations, l'inconsistance de la politique extérieure algérienne par rapport au dossier malien, la médiocrité de ses services médicaux et bancaires ainsi que des correspondances sur la politique intérieure algérienne dont le remaniement gouvernemental de 2012.

Des interrogations ont été également soulevées sur l'écartement de Belkhadem et de Zerhouni de la pyramide décisionnelle. Mais le plus édifiant dans ces fuites est la demande de l'ambassadeur saoudien en poste à Alger adressée au ministre de la Communication, dont le nom n'a pas été cité, pour intervenir auprès de certains titres de la presse algérienne coupable de s'attaquer à l'Arabie Saoudite. Le diplomate demandera au ministre de faire pression sur ces titres «de quelque façon que ce soit» pour que cessent ces campagnes médiatiques. A travers ces révélations, un pan du voile sur les relations bilatérales est mis à nu et on comprend un peu mieux l'animosité que nous voue Ryadh. Mais ce que le citoyen algérien n'arrive pas à comprendre est ce silence gêné de la diplomatie algérienne face aux agressions caractérisées des Saoudiens. L'épisode de l'A330 d'Air Algérie rapatriant nos expatriés de Sanaa ou encore les accusations saoudiennes de ne pas s'impliquer suffisamment dans la lutte antiterroriste ont de quoi interpeller.