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UN PATRIOTISME VASEUX

par M. Abdou BENABBOU

Il n'y a pas pire désarticulation d'une gouvernance que celle de s'échiner à vouloir couper un cheveu en quatre. Le retour de la licence d'importation en est un bel exemple et bien que son application n'est pas encore mise en route, le marché est déjà aux prises avec de visibles secousses. Des produits courants ont disparu des étals et d'autres ont vu leurs prix augmenter. Ni les commerçants ni les consommateurs ne sont en mesure d'entrevoir ce qui se profile à l'horizon, mais tous s'accordent, à tort ou à raison, pour redéfinir un futur de mauvais augure qui rappelle les désagréables années de disette et de pénuries.

Ils insistent surtout sur le souvenir d'un procédé diabolique qui au nom du souci d'une planification censée rigoureuse n'avait en définitive permis que la seule naissance de fortunes douteuses grâce à la complicité bienveillante et intéressée d'un pan de l'administration. L'émergence de la maffia costumée date de cette époque quand les ménagères se bousculaient pour une boîte de concentré de tomate alors que se négociaient sur les quais des ports les recommandations rémunérées. C'est cette période qui a creusé le fossé pour engloutir une Algérie pourtant promise féconde en invitant le peuple à se nourrir de cailloux au nom d'une aléatoire souveraineté. L'érection d'un Etat de plus en plus chancelant dont la grande Histoire avait été d'abord victime de faux barrages a été sapée au cœur de sa base économique.

La licence d'importation a, aux yeux de la population, une mauvaise presse et on ne régule pas un marché par une contrainte suspecte au nom d'un patriotisme vaseux lorsque l'informel règne en tsar.

Il est du droit absolu de l'Etat de protéger son économie en stimulant et en encourageant la consommation de ce qui se produit dans le pays. Encore faut-il que cette production soit redorée d'une sérieuse lettre de gloire pour s'inscrire dans l'implacable et incontournable règle de l'offre et de la demande. Nul besoin alors de licence d'importation qui a le travers diabolique d'être monnayable. L'universalité d'une pratique saine et simple aurait suffi. Elle a pour nom taxe douanière. C'est elle qui refroidit et assagit les importateurs et les consommateurs.