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De Bouira à Ryadh

par Moncef Wafi

L'Algérie championne de la guerre contre le terrorisme. L'Algérie coupable d'«insuffisances stratégiques» dans sa lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Deux affirmations qui s'entrechoquent, se contredisent et nous renvoient aux errements de la communication institutionnelle.

Que nous dit l'information sur l'élimination de 25 islamistes par les services de sécurité près de Bouira alors qu'ils s'apprêtaient, selon l'ANP, à commettre des attentats à Alger et en Kabylie ? Que les groupes armés, affiliés à Aqmi, ça c'est une certitude, et à l'Etat islamique (Daech), ce qui reste à vérifier, ont décidé de frapper de grands coups médiatiques à quelques jours du ramadhan. Pour l'appartenance, et au cas où les hommes abattus font vraiment partie de Daech, il est fort à parier que l'information faisant état de l'allégeance d'El Mourabitoune à Baghdadi, malgré le démenti de Belmokhtar, soit vraie.

Le nombre d'islamistes tués renseigne également sur un redéploiement des troupes et un regain d'effectifs probablement venus des frontières Est et Sud. Une lecture des événements évidemment en absence de données vérifiables sur le terrain. On peut aussi y lire un changement dans le modus operandi des groupes armés qui tendent à privilégier des actions d'envergure pour marquer les esprits. Mais on y décèle aussi la vigilance des services de sécurité qui continuent à faire le job alors que le discours officiel tente d'éluder le sujet. L'impression d'un terrorisme résiduel cher à Ouyahia est toujours aussi pesante que fatalement trompeuse.

Au diapason, et alors que le monde du renseignement reconnaît à l'Algérie sa grande expérience dans la lutte contre le terrorisme, voilà que le ministère saoudien des Affaires étrangères accuse Alger de ne pas lutter suffisamment contre le financement du terrorisme. Une attaque, pour le moins inattendue, qui met Alger dans une short-list de mauvais élèves au même pied d'égalité que la Syrie, l'Iran ou le Yémen, trois pays traditionnellement perçus comme ennemis par Ryadh. L'Arabie saoudite accuse, en se cachant derrière les recommandations du Groupe d'action financière (GAFI), et recommande aux institutions locales une plus grande «vigilance» dans le traitement des opérations financières avec l'Algérie et les autres pays ciblés.

Dire que notre pays est un exemple de la transparence financière c'est exagéré, mais que le royaume wahhabite se permet de donner des leçons au reste du monde sur ce point précis c'est là que le bât blesse. C'est un peu l'hôpital qui se fout de la charité connaissant le passif des Saoudiens dans le financement occulte du terrorisme international. Wikileaks rapportait une note de l'ambassade US à Ryadh datée de 2009 affirmant que «les donateurs en Arabie saoudite demeurent la principale source mondiale de financement de groupes terroristes sunnites», alors que Dominique de Villepin, l'ancien Premier ministre français, relevait que Daech bénéficiait de flux financier venant du Royaume. Alors de grâce !