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DES PETARADES INCONGRUES

par M. Abdou BENABBOU

Ne s'en tenir qu'aux évidences achemine souvent vers des résultats déroutants quand il s'agit d'échanges de procédés quelconques de particuliers à particuliers. Elles s'avèrent terrifiantes et suicidaires quand elles ont trait à la gestion d'un pays. Le virtuel cédant la place au réel trace un profond fossé entre ce qui est fait et ce que les gouvernants demandent qu'on fasse. Il en est ainsi dans cette nouvelle histoire de voitures neuves à importer et auxquelles on exige dorénavant qu'elles soient fardées d'ornements et de parures dignes des épouses de maharadjas alors que la priorité dans la circulation routière reste indubitablement accordée aux charrettes tirées par des ânes et tiraillées par le désarroi d'une jeunesse dans la survie, et maladroitement achalandées de haine et de mépris. Il est malséant pour une représentation de l'Etat de prétendre imposer des exercices de performance alors qu'elle-même affiche des signes d'amateurisme ou de simplisme flagrants. On ne sait que trop bien ce que les inconsciences ont produit comme dégâts dans le monde autoroutier et on entend toujours tonner les casseroles dans les tribunaux.

L'exigence a un si grand culot désaxé que l'on se surprend à se demander qui des législateurs ou des administrés se trouveraient sur une planète perdue. Comme s'il suffisait de décréter, des airbags, en veux-tu, en voici, pour que la société se plie en un claquement de doigts aux normes d'une modernité très avancée. C'est qu'on oublie au demeurant qu'on ne se transforme pas de chamelier en astronaute en une nuit et que l'efficience de la bonne gouvernance repose sur des pas sûrs et bien réfléchis au lieu de multiplier des pétarades incongrues.

Ou alors, on est face à des génies inconnus jusqu'ici et de s'en remettre à la forte tentation de s'interroger avec une suspicion populaire devenue ancrée, pour se convaincre que si une telle décision ne répondrait pas plutôt à la contrainte d'une comptabilité soustractive forcée ou encore à de précises manœuvres de grands diables cachés.

Tout le monde applaudirait à une rigueur d'acier pour peu qu'elle s'inscrive dans la normalité. Mais on observe à travers cet incendie provoqué au cœur de la concession de véhicules que nos administrateurs agissent en maladroits pompiers. Ils n'éteignent pas le feu qui consume le bon grain et ils prêtent le dos à l'ivraie.

En attendant l'arrivée des airbags, une multitude de citoyens s'impatientent, lassés de ne pas voir l'administration renouveler leurs permis de conduire depuis plus d'un an.