Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

RETOUR A LA MARCHE PIEDS NUS

par M. Abdou BENABBOU

Voilà un tramway pris au piège, écartelé entre un monde du travail dérégulé et un état d'esprit à mille lieues de la rationalité. Le bijou de modernité dont s'est paré Oran est suspendu à cause de grèves répétées entre l'impérieuse nécessité du progrès et la tentation de retourner à des origines reculées pour par des ânes et des chameaux être transportés.

Il y a de toute évidence une maldonne dans cette géniale infrastructure qui offre un confort désabusé dès lors que l'on soit obligé de fixer le long de son parcours et à chaque intersection deux ou trois agents pour faire barrage à une circulation piétonne et automobile désordonnée. Ils sont 261 à Oran chargés de fredonner l'hérésie de la confrontation entre une arme civilisationnelle et sa maladroite utilisation. Comme d'innombrables symboles de développement et d'avancées sont dans d'autres secteurs contrariés dans leur raison d'être et leur essence par des prises en charge délurées attestant que la modernité bienfaitrice ne tombe pas du ciel et qu'il faille pour une sérénité citoyenne de plus en plus enrichie des recettes sensées et bien réfléchies.

Les salaires et les horaires de travail sont à l'origine des grèves répétitives du tramway d'Oran. Des coups d'arrêt incommodants et incessants qui s'érigent comme un bras d'honneur face à la parcimonie incontournable recherchée partout ailleurs dans le monde pour trouver un accommodement raisonnable entre l'emploi et le salaire.

Le progrès a un prix et il est d'abord culture et forte empreinte cartésienne. Il est aussi harmonie des mouvements et du parcours d'un peuple vers le bien-fondé. Si l'incivisme criard d'une population s'allie à la fuite en avant et à l'amateurisme des hommes, le retour à la marche pieds nus devient imparable.

Il n'est pas du tout question de revenir à l'ère des négriers, mais force est de constater que l'Algérien en général ne considère plus le travail comme un gagne-pain honorable qu'il s'agit de préserver, mais bel et bien un butin. A trop y puiser, les mauvais concepteurs du tramway et ses employés auront vite fait de renvoyer Oran au transport des charrettes et des calèches.