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Ces fameux équilibres régionaux

par Moncef Wafi



Au moins 62 enfants arabes tués et 30 autres blessés depuis une semaine de bombardements. Le chiffre a été annoncé par l'Unicef et ne concerne nullement l'agression d'Israël contre Ghaza. Les enfants ont été tués par des Arabes fiers de lâcher des bombes américaines sur la tête de leurs coreligionnaires. La coalition menée par l'Arabie Saoudite au Yémen, officiellement pour remettre au pouvoir leur allié Abd Rabbo Mansour Hadi, continue de tuer des innocents et menacer le pays d'une crise humanitaire majeure, devant le regard indifférent du reste du monde.

Une folie meurtrière saoudienne, qui ne semble pas connaître son épilogue, dictée par la peur de voir leur hégémonie dans la région s'affaiblir devant la percée iranienne. Les deux parties se renvoient la responsabilité du conflit comme deux gosses turbulents en train de se chamailler dans une cour de récréation. Le parallèle s'arrête là et n'a rien de drôle puisque les morts ne sont ni Iraniens ni Saoudiens. Le Yémen, l'un des pays les plus pauvres de la planète, se retrouvant ainsi au centre d'enjeux stratégiques et confessionnaux entre les deux puissances régionales. Ryad accuse Téhéran de téléguider les miliciens chiites et l'ex-président Saleh pour déstabiliser le Yémen alors que l'Iran avertit, à son tour, que la «Tempête décisive» peut mettre le feu à l'ensemble du Moyen-Orient.

C'est dire que la guerre, par procuration, entre les deux pays risque encore de démembrer un peu plus l'hypothétique monde arabe et de redessiner sa nouvelle carte géographique aux contours définis par les puissances occidentales. Ce conflit, aux conséquences aussi désastreuses qu'insoupçonnées, repose avec acuité la légèreté des alliances régionales puisqu'au plus fort du Printemps arabe yéménite, c'est Ryad, souvenons-nous, qui était venu à la rescousse de son ennemi d'aujourd'hui, Ali Abdallah Saleh. Ce dernier, alors président décrié du pays, avait passé trois mois en Arabie Saoudite pour soigner les stigmates d'un attentat qui l'a gravement blessé alors qu'au même moment, ses mercenaires étaient en train de massacrer des manifestants à Sanaa. C'est dire que l'allié d'hier peut se muer en ennemi pour peu que les équilibres régionaux soient menacés.

Ce qui se passe au Yémen aujourd'hui est le résultat direct de cette absence de démocratie qui caractérise les pays du Golfe, du Moyen-Orient et de ce qui reste du monde arabe en général. Un conflit armé qui risque de perdurer en l'absence d'une médiation internationale qui n'a rien à gagner dans cette région du monde pour peu que ces fameux équilibres ne soient pas remis en question.