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Silences coupables

par Yazid Alilat

F aut-il un plan Marshall pour sauver ce qui reste à sauver de l'école algérienne ? La question est sérieuse et mérite toute l'attention voulue des pouvoirs publics, tant est préoccupant l'état de décrépitude actuel du système éducatif national. Le maintien de la grève cyclique décidée par le Cnapeste a plongé le secteur de l'éducation dans un extrême état de désarroi. Au point que la ministre de l'Education, forte du pouvoir et des droits que lui confère son poste, décide de recourir comme solution à un plan «B» affligeant, déprimant.

Samedi, elle n'a pas trouvé mieux, pour contourner l'écueil du Cnapeste et le maintien de sa grève, que de proposer aux élèves des cours de rattrapage par CD, DVD et autres «tools» numériques, et même des cours par TV interposée. Un plan «B» qui en dit long sur la fuite en avant de tous les protagonistes de cette crise de l'école algérienne, à commencer par le ministère, incapable de trouver des propositions acceptables, du moins pour éviter de tels pièges du rançonnement de la tutelle par des syndicats apparemment plus inquiets de leurs avantages sociaux et professionnels que le droit de l'enfant à l'éducation.

Bien sûr, la ministre a montré samedi qu'elle n'a pas de véritable plan «B» pour dépasser le diktat des syndicats, ou du moins celui du Cnapeste, qui joue un jeu dangereux qui pourrait fatalement se retourner contre lui. Sinon comment faire une lecture d'une position jusqu'au-boutiste d'un syndicat parmi six autres représentants «indépendants» des travailleurs du secteur de l'éducation nationale, autre que par une prise d'otages en bonne et due forme de millions d'élèves, de lycéens, de collégiens, de travailleurs, de parents, etc. Car tout le monde savait que l'école algérienne était malade, mais pas à ce point. Benghebrit, qui avait fait partie de la commission Benzaghou pour «dépoussiérer le secteur», est venue en conquérante pour remettre sur les rails un secteur instable depuis plus de dix ans, un secteur à la dérive.

Hélas, à moins de deux mois des examens de fin d'année, il est clair qu'elle a échoué. Sa politique et les réformes qu'elle a voulu introduire pour revivifier le tissu social de l'école algérienne ont échoué. En proposant à des parents d'élèves désemparés par la perspective d'une année «blanche» des cours à distance par CD interposés, elle a consommé sa défaite face à la fuite en avant de certains syndicats. Elle a en outre donné une caution, une sorte de blanc-seing, à ce syndicat qui s'obstine dans sa démarche à revendiquer des droits en prenant en otages des écoliers. Et, au lieu de proposer des solutions qui accordent au temps le temps de trouver des compromis, les deux parties oublient que le temps passe et que la fin de l'année approche, et que grandissent les peurs des parents d'élèves. Dans ce tableau kafkaïen dans ce qu'est devenue l'école algérienne, il est inutile de parler du silence coupable des partis et de la société civile. Une dernière question : qui se soucie vraiment de l'école algérienne ?