Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

PETITES ET GRANDES RECRUES

par M. Abdou BENABBOU

On s'étonne subitement que des enfants de hauts responsables soient recrutés dans des chancelleries algériennes à l'étranger ou que des apparentés soient seuls engagés en priorité dans des représentations commerciales huppées. L'indiscrétion galvaudée est livrée au marché des rumeurs comme une particulière découverte et elle est présentée comme un pavé dans la mare alors qu'il n'en est pas un. La nudité des mécanismes des recrutements professionnels est trop criarde par son trop-plein de soumissions pour s'offusquer soudainement d'une culture de la complaisance qui sévit à tous les niveaux.

Quand des diplomates brillants et sérieusement formés et rodés ne sont instruits qu'à porter des valises et ne servir qu'au bas des échelles d'avions, la carpette devient une institution. Quand la majorité de la classe politique est recrutée et installée au nom seul de l'allégeance primaire, la règle de la charité bien ordonnée qui commence par soi-même devient imparable. Le monnayage des postes à forte comme à réduite valeur ajoutée devient une pratique courante jusqu'à pousser à l'accouchement de lois corvéables à merci.

Cette forme de rapine à ciel ouvert n'est pas l'apanage des hauts gradés ou des tenants des grandes décisions. La distribution des emplois et des postes se pratique aussi à l'échelle la plus basse de la société et ne cache plus l'absence de scrupules depuis bien longtemps. Les petites et les grandes recrues s'opèrent sur la base du douar commun et du lien de sang et non pas sur la loi du mérite et de la compétence. Les proximités familiales jouent au coude-à-coude avec les égoïsmes effrénés pour s'installer avec effronterie sur le palier des passe-droits. La gouvernance s'en trouve sérieusement entachée et il ne faut pas s'étonner que les offices et l'administration soient gangrénés. C'est par le choix des hommes et des femmes sur la base d'accointances et de relais douteux que la marche d'un pays est déroutée. Les mécanismes des institutions sont plombés et ne sont libérés que les larges comportements corruptifs.

Plus qu'un exercice de forts-à-bras, cette culture est devenue une philosophie.