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LE FAUX PARADIS

par M. Abdou BENABBOU

Oran a vécu dimanche une journée déjetée. Circulation étouffée, transports à l'arrêt, pompiers et policiers incrustés au cœur d'une population bigarrée faite de quidams contestataires révoltés par endroits et de bienheureux bénéficiaires de logements dans d'autres. La politique de recasement a offert encore une fois une des facettes trop alambiquées de l'état d'esprit de la société algérienne. Il n'est nul besoin d'attendre que se réalise la prophétie d'augure regrettable qui nous promet une grande révolution des rues, notre «printemps » est bien là avec ses manifestations bariolées de toutes les couleurs et ornées de barres de fer et de pneus brûlés. Il n'est nul besoin non plus pour les Algériens de sortir en masse pour scander les haros à pleins poumons avec les humeurs fortes contre le règne présent. Celui-ci avait vite fait, et depuis bien longtemps, de prêter le dos avec une générosité d'enfant aux contestations des plus légitimes aux plus saugrenues.

Les protestations populaires et quotidiennes, les sourdes comme les assourdissantes ne sont pas que de simples quintes de toux. Elles sont acquiescement à une nouvelle légitimité qui s'est installée dans les rues. Le mécontentement des Algériens dans leur majorité garde et préserve une logique devenue nationale. On ne violente pas un pouvoir qui s'est fait violence contre lui-même. Dans la foulée inconséquente à la limite du suicidaire de ses simagrées, l'Algérie est le seul pays au monde qui offre gratuitement et à l'emporte-pièce des logements. On peut considérer ce don comme une revanche sur le colonialisme qui a forcé des populations entières à marcher pieds nus. On peut aussi penser que ce n'est là que justice rendue à ceux nombreux qui n'avaient que la chaume pour s'abriter. Mais une habitation n'est pas seulement un toit et encore moins un joker pervers pour des trocs politiques ou financiers. C'est un espace de vie. Elle est la première articulation dont dépend toute la vie en société.

Plus de 700 familles ont été transférées dimanche à Oued Tlélat, à 30 kilomètres d'Oran. En plein milieu de l'année scolaire. Cela représente une population moyenne de près de 3000 âmes. En espérant que cette transhumance ne soit pas une passagère randonnée, on se demande comment ces nouveaux choyés vont-ils renouer avec la paix. Quand une école et une piscine ne suffisent pas à installer un bienheureux état d'esprit.