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Lendemains incertains

par Yazid Alilat

Pour les petits producteurs de l'OPEP, dont l'Algérie, la sinistrose persiste sur les marchés pétroliers. La peur de lendemains incertains aussi. La fugace remontée des cours du brut vendredi sur le sillage de la mort du roi saoudien Abdallah a été trompeuse. Le discours du nouveau souverain du royaume a été clair, court et complet. Il confirme tout autant qu'il va poursuivre la politique de son prédécesseur. Et, en cela, il n'a pas fait grand mystère que l'Arabie saoudite va continuer à mener une guerre de leadership, ruineuse pour l'OPEP, face aux grands producteurs de pétrole, dont les «shale oil», non membres de l'organisation.

Une politique qui est déjà en train de faire des ravages économiques, sociaux surtout, dans les autres pays producteurs membres de l'OPEP. Car hormis le Koweït et l'Arabie saoudite, plus gros producteurs de brut, membres de l'OPEP, les autres pays membres de l'organisation en sont venus, depuis novembre dernier, à tirer vraiment des «plans sur la comète» pour revoir leur politique budgétaire et les financements de projets de développement avec le début d'une baisse dramatique de leurs revenus pétroliers. La récession est là et la chute vertigineuse des cours annonce pour ces pays, l'Algérie y compris, des temps difficiles que le successeur d'Abdallah d'Arabie Saoudite n'a pas compris, ou refusé de voir.

En fait, la réunion de Vienne novembre dernier a démontré clairement que l'Arabie saoudite et les pays du CCG membres de l'organisation ont dérogé à la sacro-sainte union des pays exportateurs de pétrole en privilégiant leurs intérêts. Car ils ont tranché au profit de la guerre des prix en reconduisant le plafond de production pour maintenir leurs parts de marché, au lieu de faire des coupes drastiques dans la production OPEP pour maintenir les marges des prix à la hausse. En choisissant donc de privilégier leurs parts de marché pour affaiblir les producteurs non-OPEP, notamment ceux qui produisent le pétrole de schiste comme les Etats-Unis et la Chine, l'Arabie saoudite et les pays producteurs du Golfe ont également, dans la foulée, décidé de sacrifier leurs partenaires au sein de l'OPEP.

Mais, il faudrait être aveugle pour croire que l'Arabie saoudite, premier producteur de brut au monde, aura un jour des idées philanthropiques. A plus forte raison en direction de certains pays OPEP comme l'Iran, ou même le Venezuela. Maintenir une surabondance du marché pour contrarier l'Iran, l'ennemi traditionnel, et sans égard pour les pays «amis», est également un choix réfléchi, mais contestable, de Ryadh. Avec un matelas de devises de 750 milliards de dollars, Ryadh peut mener «sa sale» guerre des prix pour faire prévaloir ses parts de marché. Et affaiblir surtout la Russie, devenue peu «fréquentable» en Occident avec la question de la Crimée et le désordre en Ukraine.