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Les leçons mal apprises du passé

par Yazid Alilat

Les cours du pétrole continuent de baisser sur les marchés, approchant des seuils historiques. La moyenne des cours, tous types de brut confondus, tourne actuellement autour des 45 dollars/baril. Un niveau de prix qui fait peur et rappelle, surtout, le dernier choc pétrolier des années 1990, lorsque l'or noir avait atteint les 20 dollars le baril. Aujourd'hui, pour l'Algérie, la configuration a empiré. Certes, il y a toujours un confortable matelas de devises de plus de 185 milliards de dollars pour parer à toute situation urgente, et ce bas de laine permet au pays de financer ses importations pendant au moins une année. Pour autant, les appréhensions se font par anticipation pour les deux prochaines années au moins avec une chute continue des cours.

L'Algérie, qui n'a que les hydrocarbures comme source de devises, est tout simplement prise au piège d'une conjoncture énergétique qui n'est pas inédite. Deux chocs pétroliers avaient été enregistrés durant les 20 dernières années, mais apparemment sans grand effet sur la politique économique du pays. Car sitôt passée la tempête du choc des années 1990 avec un baril à presque 10-20 dollars, l'Algérie, du moins le système de gestion économique imposé au pays, est retombée dans ses travers, sans retenir la leçon d'un baril à moins de 20 dollars et, surtout, le recours à la Banque mondiale et au FMI pour faire nourrir les Algériens.

Le plan de sortie préconisé en 1994 par le FMI était humiliant, car le pays n'avait pas «un rond» pour acheter de quoi nourrir les Algériens. Nous étions en cessation de paiement et l'Algérie n'avait reçu aucune aide, mais seulement un PAS drastique et des prêts de donateurs rassemblés au sein du Club de Paris qui ne prêtent rien pour rien. Qui a sauvé l'Algérie alors plongée dans une sanglante lutte contre le terrorisme ? En tout cas pas le démembrement des entreprises nationales, ni la privatisation des fleurons de l'industrie publique, encore moins la mise au chômage de centaines de milliers de travailleurs, ni une agriculture chétive, parent pauvre du développement économique du pays.

Ce qui a sauvé l'Algérie, c'est tout simplement la conjoncture politique internationale, les facteurs géopolitiques comme disent les opérateurs des salles de marchés, la confrontation Occident-Iran sur le nucléaire, qui ont fait grimper en quelques jours les cours du brut à plus de 140 dollars/baril. Une aubaine pour les pays producteurs, dont ceux de l'Opep, qui ont lancé un grand «ouf». L'Algérie fait partie de ces pays, sauvés par... le gong des troubles politiques et les guerres civiles dans les principales zones de production et d'extraction des matières premières, pas seulement le pétrole, mais des produits comme le zinc, l'étain ou l'uranium, nécessaires à l'industrie de haute technologie développée dans les pays développés.

De cette période, de cette crise, l'Algérie n'a rien retenu comme leçon, se contentant d'amasser les dollars, de payer sa dette, mais sans grande intelligence. Il faut le dire, sans grande intelligence, car ni l'agriculture, ni l'industrie, encore moins les services n'ont été sérieusement pris en main pour qu'ils puissent contribuer à la création de richesses et, surtout, à pallier, le moment venu, une probable dépression des cours sur le marché pétrolier. Aujourd'hui, les dégâts sont là, l'agriculture ne peut produire pour exporter, l'industrie est toujours engluée dans le cycle idiot des restructurations et l'économie nationale est toujours prisonnière des exportations d'huiles pour «gagner de l'argent». Quel drame!